De Graz à
Auschwitz,
des
élèves autrichiens
enquêtent
sur une enfance juive
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29/04/2004
Après un an d'enquête, des lycéens
autrichiens
racontent dans une
exposition le destin tragique d'Adele Kurzweil, une adolescente juive
de Graz (sud) morte à Auschwitz après un exil en
France,
une nouvelle
façon d'enseigner l'Holocauste dans le pays.
"C'est l'histoire
d'une adolescente racontée par des lycéens
à des
camarades de leur âge,
une façon efficace de sensibiliser les jeunes", explique
l'initiatrice
du projet, Hanna Papanek, une ethnologue américaine.
Selon
elle, cette initiative peut devenir un modèle pour enseigner
l'ignominie que fut l'extermination par les nazis de 6 millions de
juifs en Europe durant la Deuxième guerre mondiale.
Rien qu'en Autriche, 65.000 Juifs furent tués tandis
qu'environ
125.000 parvenaient à fuir à
l'étranger.
"A travers une existence concrète, le récit de
l'Holocauste suscite
davantage de compassion", explique-t-elle à Vienne
où
elle est venue
présenter l'exposition.
Plusieurs panneaux rassemblent des
lettres, des documents administratifs et des photos,
accompagnés
d'explications historiques, retraçant le monde d'Adele, de
la
montée de
l'antisémitisme en Autriche dans les années 20
jusqu'au
camp
d'Auschwitz en passant par Paris et Montauban (sud-ouest de la France),
où elle s'était réfugiée
avec ses parents.
Après l'"Anschluss",
l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie en 1938, le
père
d'Adele, Bruno Kurzweil, un avocat social-démocrate de Graz,
a
été
interdit d'exercer. Il a choisi l'exil en France, avec sa femme et sa
fille, avant d'être pris dans une rafle de la police du
gouvernement de
Vichy durant l'été 1942.
L'enquête "a été un travail dur, mais
très intéressant", raconte Julian, l'un des 16
lycéens de Graz ayant
travaillé sur l'exposition. Aujourd'hui, il accomplit un
service
civil
pour une association de réfugiés. "C'est ce
projet, qui
m'a donné envie
de m'engager", dit-il.
"Cette expérience représente un nouveau
modèle de travail entre historiens et
élèves, une
innovation
pédagogique importante", estime l'historien Heimo
Halbrainer,
qui a
coordonné le travail des lycéens.
L'idée de Mme Papanek,
elle-même juive d'origine allemande exilée d'abord
en
France puis aux
Etats-Unis, est née à Paris il y a quelques
années.
Alors
qu'elle feuilletait un ouvrage au Centre de documentation juif
contemporain à la recherche d'éléments
historiques
pour écrire un livre
sur l'exode de sa famille, elle tomba sur une photo de son amie
d'enfance: celle d'Adele Kurzweil...
"J'avais l'impression
qu'elle me regardait comme un cadavre dans un cercueil ouvert. Je
savais déjà qu'elle n'avait pas
survécu à
la guerre", raconte avec
émotion Mme Papanek.
A côté de cette image, un article est
reproduit, évoquant une exposition sur l'histoire d'Adele
reconstituée
par des élèves d'un lycée de Montauban
(sud-ouest), après la découverte
des valises de la famille Kurzweil, contenant de nombreux documents, en
1990 dans le grenier d'un poste de police d'Auvillar, près
de
Montauban.
"Nous étions à l'époque où
l'on parlait
beaucoup (du dirigeant de
l'extrême droite autrichienne) Joerg Haider. J'ai
pensé
que ce serait
très intéressant pour des
élèves
autrichiens", explique Mme Papanek.
Finalement, avec l'aide d'un historien de Graz, Heimo Halbrainer, et
une militante d'association anti-raciste, Bettina Ramp, elle
réussit à
lancer un projet similaire en Autriche, soutenu par l'Union
européenne,
la province de Styrie, et la ville de Graz.
Près de 7.000
élèves ont déjà vu cette
exposition, qui a
également inspiré un livre,
"La valise d'Adele Kurzweil", rédigé par M.
Halbrainer.
AFP, 29 avril 2004
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