Le travail dans le camp
de Dora
Beaucoup de ces déportés s'efforcèrent
de saboter les engins sur lesquels ils travaillaient
Les grandes entreprises
et la main d'oeuvre déportée
Les grandes
entreprises allemandes utilisaient la main d'oeuvre concentrationnaire.
Des
déportés au travail dans l'usine de Bobrek
(1944).
(Photo
USMM.)
Bobrek était une usine de fabrication de
pièces d'avions, dépendant du camp d'Auschwitz.
voir aussi sur ce sujet la page Les
grandes
entreprises
allemandes dans les camps nazis
Pour vous rendre compte de l'importance de ce travail forcé,
allez dans la page contenant la
Liste des camps, et observez les indications
données dans la liste
des kommandos qui dépendent des grands camps.
On se rend compte à travers cette liste de l'importance du
travail concentrationnaire qui gangrène toute l'industrie
allemande.
Le sabotage
La question du sabotage est posée par
plusieurs
élèves :
«
Bonjour, je m'appelle Marthe et je suis en troisième au
collège de l'Union et je participe au concours national de
la résistance. Je voudrais des renseignements sur
le sabotage. Merci
d'avance. »
Le sabotage n'était pas la principale
préoccupation des déportés. Ce qui
comptait, c'était de survivre.
Alors, bien sûr, il fallait en faire le moins possible. il
fallait économiser ses forces. Faire semblant de travailler.
Mais éviter les coups était aussi très
important : certains kapos
battaient
régulièrement les déportés,
à mort parfois.
Alors, bien sûr, si un déporté
parvenait à transporter toute la journée
la même brique, l'emmenant là où on lui
avait dit de l'amener, mais la
ramenant ensuite, de manière à ce que toute la
journée il n'ait pas
fait avance d'un pouce le travail prévu, ce
déporté pouvait en retirer
une satisfaction personnelle, toujours bonne pour le moral.
Il y a eu des actes de sabotage véritables, mais ils furent
rares.
Beaucoup de travaux dans les usines qui "employaient" de la main
d'oeuvre concentrationnaire travaillaient pour l'armée
allemande. Des
résistants déportés
s'efforcèrent de rendre inutilisables certaines
pièces d'avions, certaines armes. C'était
difficile, c'était très
risqué. Les SS surveillaient particulièrement
les usines d'armement et
le moindre soupçon de sabotage conduisait à la
mort immédiate. Il y a
quand même des récits de
déportés qui évoquent cette
activité de
sabotage, comme à Dora.
Quels types de travaux ?
Les travaux les plus divers furent faits par les
déportés.
Il y avait beaucoup de travaux de terrassement, sur les routes, dans
les carrières.
Des
déportés espagnols dans la carrière de
Mauthausen, en 1942.
(Photo
USMM.)
Travail dans la neige
à Auschwitz.
Il s'agit du creusement d'une tranchée
d'évacuation des eaux usées, dans le camp
même d'Auschwitz.
Les déportés, à gauche, portent le
mince manteau d'hiver.
Le travail de
construction de la voie ferrée Weimar-Buchenwald.
(1943)
Le travail de construction des voies ferrées
était
redouté car les déportés devaient
transporter les
très lourds rails.
Buchenwald, la
corvée de briques, dessin de Walter Spitzer,
1945.
Il y avait le travail dans les usines souterraines
qui, à la
fin de la guerre, produisaient l'armement de l'Allemagne nazie.
L'entrée
camouflée de l'usine souterraine du camp de Dora.
(Photo
USMM.)
Les horaires de travail
Voici les horaires de travail à
Neu-Stassfurt, un kommando extérieur du camp de Buchenwald.
Il s'agit d'une mine située en Saxe-Anhalt, à 30
km au sud de Magdebourg. les déportés travaillent
à aménager la mine pour en faire une usine
souterraine de fabrication de moteurs d'avions. Il faut
dégager les galeries, transporter par wagonnets le sable et
l'eau destinées à fabriquer du béton,
niveler les salles souterraines pour y installer une épaisse
dalle de béton. Certains travaillent à
l'extérieur à l'aménagement d'une
route pour accéder à la future usine. Voici les
horaires de travail :
4 h. 30 à 5 h. 30 |
réveil et distribution de "café" |
5 h. 30 à 6 h. 30 |
rassemblement et appel |
6 h. |
départ des kommandos |
6 h. 30 |
début du travail |
12 h. à 12 h. 30 |
pause pour le déjeuner des gardiens |
19 h. |
arrêt du travail |
19 h. à 19 h. 30 |
retour au camp et distribution de la soupe |
20 h. à 21 h. |
appel |
21 h. 30 |
extinction des feux |
d'après
Paul Bonte, ancien déporté de ce kommando
cité par Marcel Ruby, Le
livre de la déportation, La vie et la mort dans les 18 camps
de concentration et d'extermination, Robert Laffont, 1995
Le travail des femmes
Les femmes travaillaient
dans des conditions aussi dures que celles des hommes.
Des femmes tirent des
wagonnets sur des rails dans le camp de Plaszow (1943 ou 1944).
(Photo
USMM.)
III.
Le travail comme moyen d'extermination
|
Le travail forcé durait des heures, du
lever du jour
à la tombée de la nuit. Les
déportés, sous-alimentés, devaient
marcher vers le lieu du travail, puis travailler des heures sous les
coups, quel que soit le temps : sous le soleil
d'été qui créait une soif incroyable,
sous la neige et el dans le froid de l"hiver polonais. Les kommandos
revenaient le soir en portant les cadavres de ceux qui
étaient morts dans la journée. On peut ainsi
parler d'une "extermination par le travail".

Travaux
de terrassement
sur un des chantiers
du camp de Sachsenhausen.
Le
travail dure des heures, pendant
lesquels les
déportés ne reçoivent ni eau, ni
nourriture.
|
Bon et mauvais kommandos
Le caractère dangereux du travail varie.
Les déportés cherchent à aller dans
les "bons kommandos", ceux qui sont à l'intérieur
du camp
(on n'a pas à marcher vers le lieu de travail), ceux qui
sont
dans un local fermé (plutôt qu'en plein air), ceux
où le travail est léger ou laisse des pauses
(où
l'on n'a pas à porter des charges lourdes qui
épuisent
vite).
Les mauvais
kommandos, ce sont ceux qui exigent d'énormes efforts
physiques : porter des rails, des sacs de ciment, vider des wagons de
billes de bois... Les travaux de terrassement : creuser,
piocher, transporter, pousser des wagonnets très lourds...
conduisaient vite à la mort.
Déportés
du camp de
Neuengamme construisant le canal Dove-Elbe, en 1941-42.
Le "kommando du câble" à Auschwitz III -
Monowitz a une réputation particulièrement
mauvaise. C'est que, en plus du travail, le kapo qui le surveille est
une brute incroyable :
Le
kapo du Kabelkommando
« Ce capo était certainement le
plus terrible de
Monowitz et il avait quelques morts sur la conscience.
Il était
néerlandais et s'appelait JUP. Il mesurait près
de 2 m. et c'était un rouquin. Toujours le sourire aux
lèvres, mais un
drôle de sourire, vicieux ou sadique pourrait-on dire. Donc
le
sourire
aux lèvres et la matraque à la main avec laquelle
il
aimait tant
frapper les déportés. Il était
déjà
depuis un long moment à Monowitz,
lorsque je suis arrivé. Il était le Capo du
"Kabelcommando" le commando
du câble. Le commando le plus craint. Les
déportés devaient installer
ces câbles sous terre. Des câbles
très lourds,
et il y avait trois
hommes sur
une distance où il en aurait fallu
le double. Aussi la matraque allait bon train. J'ai toujours eu
très
peur d'être désigné pour aller dans ce
commando.
Bien sûr, ça pouvait
arriver. Bref ce capo était un vrai tueur, et s'il y a
encore
des
survivants de Monowitz, ils se souviendront facilement de ce capo.
Petit Paul s'en souvient bien.
Après la
libération il a
été rapidement
exécuté par des déportés
qui avaient
été ses victimes. Il y avait près
de 200 déportés dans son commando.
Voilà tout ce
que je peux te dire,
mais je pense que c'est suffisant pour situer le
personnage,
que les
SS aimaient bien, et pour cause. »
Serge Smulevic,
par e-mail, août 2005
|
Le rôle des kapos était donc
essentiel dans la dureté d'un kommando. (Voir la page sur les kapos)
Le travail
forcé, sous l'oeil d'un kapo
prêt
à frapper.
(Dessin de Maurice de la Pintière)
IV.
Le travail pour faire fonctionner les camps
|
Pour faire fonctionner les camps, les nazis
utilisaient abondamment le
travail des déportés.
Les camps eux-mêmes ont été construits
par des déportés.
La construction, par des
déportés, du camp du Stuttof (sept-oct
1939)
.
(Photo
USMM.)
Travail de
déportés juifs dans le camp de Majdanek
(date inconnue, entre 1941 et 1944).
(Photo
USMM.)
Les corvées dans le camp
Dès son arrivée dans un camp de
concentration, le
déporté est soumis au travail, aux
corvées. Ecoutons le témoignage de Fernand
Gadéa, sur son arrivée au camp de Buchenwald,
dans l'été 1944.
Les
corvées
« Une fois
mensurés et photographiés, nous avons accompli
notre première
corvée qui consistait à transporter des pierres
de la carrière au camp. Cette
carrière, située à environ 1,5
kilomètre du lieu de détention, offrait
un
spectacle hallucinant. Sur les pitons et aux points les plus bas, des
SS en
armes et quelques conducteurs de chiens montaient une garde. Les
malheureux qui
y étaient affectés devaient maintenir, sous une
avalanche de coups de triques
et d'injures, une cadence de travail des plus
accélérées. Après
l'extraction à
l'explosif, la dislocation des blocs s'effectuait au pic dans des
conditions
inhumaines et dans une atmosphère de sauvagerie entretenue
par les kapos et les
Vorarbeiters sous l'œil narquois des SS. Nous nous
chargions de pierres et
nous retournions au camp pour les déposer auprès
des maçons, des internés comme
nous, occupés à construire les assises de Blocks
imposants.
La
carrière de Buchenwald : des milliers de
déportés y laissèrent la vie.
"Corvée de merde"
D'autres corvées plus
pénibles nous attendaient, en particulier celle
du Cheisskommando [= "commando de la merde"]. Toutes les
déjections des
détenus, reçues dans des fosses
alimentées d'un filet d'eau et sur les petits murs
desquelles il fallait
s'asseoir en rang et dos à dos pour faire ses besoins,
parvenaient par un
système de canalisations souterraines dans des bassins
installés dans la partie
basse du camp. Ces bassins, peu profonds, du genre marais salants,
recevaient
les matières fécales qui se diluaient dans l'eau.
Sous l'action de l'air et du
soleil, l'eau s'évaporait et à la surface
apparaissait bien vite une croûte que
nous devions ramasser à l'aide de pelles et
étendre sur des aires proches.
Quand ces matières étaient presque
sèches, nous les transportions sur des
civières à proximité des jardins,
où nous les entassions dans des sacs qui
étaient chargés sur des camions qui se
dirigeaient ensuite vers l'extérieur.
Les Français du Block 52 étaient peu nombreux
à effectuer ce travail, une
dizaine au plus. Chaque fois nous
étions incorporés manu militari à
cette équipe spéciale d'une
cinquantaine de détenus de nationalités
différentes, auxquels
on faisait subir les pires brimades. Il ne se passait pas de jour sans
que les
SS et les kapos n'aient la fantaisie de nous pousser dans cette eau
nauséabonde. Nous devions ainsi travailler dans une odeur
pestilentielle,
entourés de mouches et de moustiques attirés par
les matières fécales qui
avaient imprégné nos loques. Nous connaissions
les moments les plus déprimants
à notre retour. Après l'appel, souvent
interminable, nous étions contraints par
les Stubendienst - les préposés au service du
Block - de rester dehors et
d'attendre le milieu de la nuit ou le petit jour avant d'entrer. Nous
traînions
avec nous une puanteur indicible que nous nous efforcions
d'atténuer lorsque
nous avions le bonheur d'avoir un peu d'eau pour rincer nos
défroques et nous
laver. »
Fernand
Gadéa, Quelques
épisodes vécus au cours du dernier
demi-siècle (1940-1991), Montpellier,
Imprimerie Carlier Saumade, 1991.
|

Des
déportés transportent la nourriture dans le camp
de Plaszow en 1943 (Pologne).
(Photo
USMM.)
Les kommandos qui avaient un rapport avec
l'alimentation
étaient parmi les plus recherchés car les
déportés pouvaient parfois grapiller une
nourriture supplémentaire.
Le travail du Canada
Dans les camps d'extermination, des
dizaines de blocks
(baraques) étaient réservées aux
affaires des déportés qu'on venait d'exterminer.
C'était le "Canada". Y travailler était
plutôt un travail moins pénible que celui des
autres kommandos : pas de marche épuisante pour aller et
revenir du travai, travail le plus souvent à
l'intérieur, travail qui permettait parfois de mettre la
main sur de la nourriture (dans les poches ou les valises que l'on
triait), travail qui permettait d'avoir des chaussures et des
vêtements de meilleure qualité, mais aussi travail
très surveillé par les SS qui cherchaient
à récupérer l'or, les bijoux
amené par les déportés et qui
étaient impitoyables s'ils sentaient qu'on les volait.
Auschwitz,
été 1944 : un groupe de Juifs commence
à récupérer les affaires
laissées par
un convoi de déportation,
pour les emmener vers
les baraques du "Canada" où elles seront triées.
Les déportés du convoi seront pour la plupart
gazés dans les minutes qui suivent.
Voir aussi la page sur le
Canada.
Le "travail" des Sonderkommandos
Le pire était sans doute le travail du
kommando qui vidait les chambres à gaz de leurs cadavres et
brûlait les corps dans les fours crématoires.
Lire là-dessus le témoignage de Dow Paisikovik : Un survivant du
Sonderkommando d'Auschwitz raconte.
Les dessins de David
Olère
constituent un
témoignage exceptionnel sur ce "travail". L'artiste fut, en
effet, membre du
Sonderkommando chargé de brûler les cadavres au
sortir de
la chambre à gaz. Ses dessins constituent un
témoignage
essentiel.
 |

Dessins de David Olère |