Le travail dans les camps nazis

    « Bonjour, je m'appelle Maylis et je suis collégienne. Nous devons faire un dossier sur le travail dans les camps de concentration et d'extermination nazis. J'aimerai avoir des renseignements sur les travaux dans les camps. Merci d'avance »
« Bonjour, Julien L., étudiant au collège à Nîmes. J'aimerais avoir des précisions sur le travail dans les camps, s'il-vous-plaît. Merci à l'avance. »
«Bonjour. Je m'appelle Marie et je suis en seconde. On parle souvent du travail forcé des déportés détenus dans les camps mais on parle rarement des différentes activités dans ces travaux. Pourriez-vous me donner des renseignements sur les différents travaux que les déportés étaient forcés d'exécuter. Merci d'avance de votre réponse. »

Voici donc une nouvelle page organisée autour de 4 idées :
  1. Le travail dans les camps était au départ une punition destinée à réprimer les adversaires politiques d'Hitler.
  2. Ensuite, la main d'oeuvre a été exploitée pour servir le Reich et travailler pour la guerre.
  3. Mais cette forme de travail menait à l'extermination.
  4. Enfin, les camps eux-mêmes ne fonctionnaient que grâce aux corvées des déportés, et les nazis ont fait travailler les déportés à leur propre extermination.

I. Le travail comme punition


La répression politique

Dès le début des camps, en 1933, le travail est un moyen de brimer, de punir, les opposants politiques que le régime nazi a fait arrêter.
Double page du journal Match (septembre 1939).
"Thaelmann n'a pas compris. Le chef communiste allemand a vu s'ouvrir les portes des camps de concentration"
Double page du journal Match
(septembre 1939).
L'ancêtre de "Paris-Match" utilise des photos probablement prises par un S.S. pour évoquer le sort du chef du Parti Communiste Allemand, Ernst Thälmann (1886-1944) arrêté en 1933 par le gouvernement nazi. A cette répression politique sont immédiatement jointes des images de déportés au travail.

Des réglements très durs

Le réglement de Dachau (1933) encadre le travail de façon extrêmement dure, dès le début. Il sera ensuite copié par les autres camps, comme ici celui de Buchenwald :

Extrait du réglement du camp de Buchenwald

Article 8. - Est condamné aux arrêts de rigueur de quatorze jours et à vingt-cinq coups,
1) - celui qui, sans autorisation, quitte une colonne de travail en marche ;
[...]

Article 12. - Celui qui offense un homme de garde ou un SS, celui qui, dans un esprit de révote, refuse d'obéir ou de travailler ou qui abandonne par révolte la colonne ou le lieu de travail, celui qui siffle pendant une marche ou pendant le travail, ricane ou parle, sera fusillé sur-le-champ comme émeutier, ou sera condamné à mort par étranglement.

Un travail sous la surveillance des SS et des kapos

Dans une forêt proche du camp de Buchenwald, les déportés travaillent sous la surveillance de trois S.S. (entre 1938 et 1940).
Dans une forêt proche du camp de Buchenwald, les déportés travaillent sous la surveillance de S.S. (entre 1938 et 1940). (Photo USMM.)

II. La main d'oeuvre concentrationnaire, espoir du Reich

Les hommes sont sur le front. L'Allemagne manque de bras pour faire sa guerre. Les usines de guerre vont donc travailler avec de la main d'oeuvre concentrationnaire.
Le cas le plus célèbre est celui du camp de Dora, qui fabriquait, à la fin de la guerre, les fameuses fusées V1 et V2, les ancêtres des missiles. (Voir la page sur le camp de Dora)
Le travail dans le camp de Dora
Le travail dans le camp de Dora
Beaucoup de ces déportés s'efforcèrent de saboter les engins sur lesquels ils travaillaient

Les grandes entreprises et la main d'oeuvre déportée

Les grandes entreprises allemandes utilisaient la main d'oeuvre concentrationnaire.
Des déportés au travail dans l'usine de Bobrek (1944).
Des déportés au travail dans l'usine de Bobrek (1944). (Photo USMM.)
Bobrek était une usine de fabrication de pièces d'avions, dépendant du camp d'Auschwitz.

voir aussi sur ce sujet la page Les grandes entreprises allemandes dans les camps nazis

Pour vous rendre compte de l'importance de ce travail forcé, allez dans la page contenant la Liste des camps, et observez les indications données dans la liste des kommandos qui dépendent des grands camps. On se rend compte à travers cette liste de l'importance du travail concentrationnaire qui gangrène toute l'industrie allemande.

Le sabotage

La question du sabotage est posée par plusieurs élèves :

« Bonjour, je m'appelle Marthe et je suis en troisième au collège de l'Union et je participe au concours national de la résistance. Je voudrais des renseignements sur le sabotage. Merci d'avance. »

Le sabotage n'était pas la principale préoccupation des déportés. Ce qui comptait, c'était de survivre.
Alors, bien sûr, il fallait en faire le moins possible. il fallait économiser ses forces. Faire semblant de travailler.
Mais éviter les coups était aussi très important : certains kapos battaient régulièrement les déportés, à mort parfois.

Alors, bien sûr, si un déporté parvenait à transporter toute la journée la même brique, l'emmenant là où on lui avait dit de l'amener, mais la ramenant ensuite, de manière à ce que toute la journée il n'ait pas fait avance d'un pouce le travail prévu, ce déporté pouvait en retirer une satisfaction personnelle, toujours bonne pour le moral.

Il y a eu des actes de sabotage véritables, mais ils furent rares. Beaucoup de travaux dans les usines qui "employaient" de la main d'oeuvre concentrationnaire travaillaient pour l'armée allemande. Des résistants déportés s'efforcèrent de rendre inutilisables certaines pièces d'avions, certaines armes. C'était difficile, c'était très risqué. Les SS surveillaient particulièrement les usines d'armement et le moindre soupçon de sabotage conduisait à la mort immédiate. Il y a quand même des récits de déportés qui évoquent cette activité de sabotage, comme à Dora.

Quels types de travaux ?

Les travaux les plus divers furent faits par les déportés.
Il y avait beaucoup de travaux de terrassement, sur les routes, dans les carrières.
Des déportés espagnols dans la carrière de Mauthausen, en 1942.
Des déportés espagnols dans la carrière de Mauthausen, en 1942. (Photo USMM.)

Travail dans la neige à Auschwitz. Il s'agit du creusement d'une tranchée d'évacuation des eaux usées, dans le camp même d'Auschwitz. Les déportés, à gauche, portent le mince manteau d'hiver.
Travail dans la neige à Auschwitz.
Il s'agit du creusement d'une tranchée d'évacuation des eaux usées, dans le camp même d'Auschwitz.
Les déportés, à gauche, portent le mince manteau d'hiver.

Le travail de construction de la voie ferrée Weimar-Buchenwald.
Le travail de construction de la voie ferrée Weimar-Buchenwald. (1943)
Le travail de construction des voies ferrées était redouté car les déportés devaient transporter les très lourds rails.

Buchenwald, la corvée de briques, dessin de Walter Spitzer, 1945.
Buchenwald, la corvée de briques, dessin de Walter Spitzer, 1945.
Il y avait le travail dans les usines souterraines qui, à la fin de la guerre, produisaient l'armement de l'Allemagne nazie.
L'entrée camouflée de l'usine souterraine du camp de Dora.
L'entrée camouflée de l'usine souterraine du camp de Dora. (Photo USMM.)

Les horaires de travail

Voici les horaires de travail à Neu-Stassfurt, un kommando extérieur du camp de Buchenwald. Il s'agit d'une mine située en Saxe-Anhalt, à 30 km au sud de Magdebourg. les déportés travaillent à aménager la mine pour en faire une usine souterraine de fabrication de moteurs d'avions. Il faut dégager les galeries, transporter par wagonnets le sable et l'eau destinées à fabriquer du béton, niveler les salles souterraines pour y installer une épaisse dalle de béton. Certains travaillent à l'extérieur à l'aménagement d'une route pour accéder à la future usine. Voici les horaires de travail :
4 h. 30 à 5 h. 30 réveil et distribution de "café"
5 h. 30 à 6 h. 30 rassemblement et appel
6 h.  départ des kommandos
6 h. 30 début du travail
12 h. à 12 h. 30 pause pour le déjeuner des gardiens
19 h. arrêt du travail
19 h. à 19 h. 30 retour au camp et distribution de la soupe
20 h. à 21 h. appel
21 h. 30 extinction des feux
d'après Paul Bonte, ancien déporté de ce kommando
cité par Marcel Ruby, Le livre de la déportation, La vie et la mort dans les 18 camps de concentration et d'extermination, Robert Laffont, 1995

Le travail des femmes

Les femmes travaillaient dans des conditions aussi dures que celles des hommes.
Des femmes tirent des wagons sur des rails dans le camp de Plaszow (1943 ou 1944).
Des femmes tirent des wagonnets sur des rails dans le camp de Plaszow (1943 ou 1944). (Photo USMM.)

III. Le travail comme moyen d'extermination

Le travail forcé durait des heures, du lever du jour à la tombée de la nuit. Les déportés, sous-alimentés, devaient marcher vers le lieu du travail, puis travailler des heures sous les coups, quel que soit le temps : sous le soleil d'été qui créait une soif incroyable, sous la neige et el dans le froid de l"hiver polonais. Les kommandos revenaient le soir en portant les cadavres de ceux qui étaient morts dans la journée. On peut ainsi parler d'une "extermination par le travail".
Une cinquantaine de déportés en costume rayé travaille sur la pente d'un talus, avec des pelles. Au pied du talus, sur une voie ferrée étroite, des wagonnets poussé par des déportés.
Travaux de terrassement sur un des chantiers du camp de Sachsenhausen.
Le travail dure des heures, pendant lesquels les déportés ne reçoivent ni eau, ni nourriture.

Bon et mauvais kommandos

Le caractère dangereux du travail varie. Les déportés cherchent à aller dans les "bons kommandos", ceux qui sont à l'intérieur du camp (on n'a pas à marcher vers le lieu de travail), ceux qui sont dans un local fermé (plutôt qu'en plein air), ceux où le travail est léger ou laisse des pauses (où l'on n'a pas à porter des charges lourdes qui épuisent vite).

Les mauvais kommandos, ce sont ceux qui exigent d'énormes efforts physiques : porter des rails, des sacs de ciment, vider des wagons de billes de bois...  Les travaux de terrassement : creuser, piocher, transporter, pousser des wagonnets très lourds... conduisaient vite à la mort.
Déportés construisant le canal Dove-Elbe. Parmi eux, avec un brassard balnc, des kapos.
Déportés du camp de Neuengamme construisant le canal Dove-Elbe, en 1941-42.
Le "kommando du câble" à Auschwitz III - Monowitz a une réputation particulièrement mauvaise. C'est que, en plus du travail, le kapo qui le surveille est une brute incroyable :

Le kapo du Kabelkommando

   « Ce capo était certainement le plus terrible de Monowitz et il avait quelques morts sur la conscience.
     Il était néerlandais et s'appelait JUP. Il mesurait près de 2 m. et c'était un rouquin. Toujours le sourire aux lèvres, mais un drôle de sourire, vicieux ou sadique pourrait-on dire. Donc le sourire aux lèvres et la matraque à la main avec laquelle il aimait tant frapper les déportés. Il était déjà depuis un long moment à Monowitz, lorsque je suis arrivé. Il était le Capo du "Kabelcommando" le commando du câble. Le commando le plus craint. Les déportés devaient installer ces câbles  sous terre. Des câbles très lourds, et il y avait trois hommes sur une distance où il en aurait fallu le double. Aussi la matraque allait bon train. J'ai toujours eu très peur d'être désigné pour aller dans ce commando. Bien sûr, ça pouvait arriver. Bref ce capo était un vrai tueur, et s'il y a encore des survivants de Monowitz, ils se souviendront facilement de ce capo. Petit Paul s'en souvient bien.
     Après la libération il a été rapidement exécuté par des déportés qui avaient été ses victimes. Il y avait près de 200 déportés dans son commando. Voilà tout ce que je peux te dire, mais je pense que c'est suffisant pour situer  le personnage, que les SS aimaient bien, et pour cause.
»
Serge Smulevic,
par e-mail, août 2005

Le rôle des kapos était donc essentiel dans la dureté d'un kommando. (Voir la page sur les kapos)
Le travail forcé, sous l'oeil d'un kapo prêt à frapper.
Le travail forcé, sous l'oeil  d'un kapo prêt à frapper.
(Dessin de Maurice de la Pintière)

IV. Le travail pour faire fonctionner les camps 

Pour faire fonctionner les camps, les nazis utilisaient abondamment le travail des déportés.
Les camps eux-mêmes ont été construits par des déportés.
La construction, par des déportés, du camp du Stuttof (sept-oct 1939).
La construction, par des déportés, du camp du Stuttof (sept-oct 1939). (Photo USMM.)

Travail de déportés juifs dans le camp de Majdanek (date inconnue, entre 1941 et 1944).
Travail de déportés juifs dans le camp de Majdanek (date inconnue, entre 1941 et 1944). (Photo USMM.)

Les corvées dans le camp

Dès son arrivée dans un camp de concentration, le déporté est soumis au travail, aux corvées. Ecoutons le témoignage de Fernand Gadéa, sur son arrivée au camp de Buchenwald, dans l'été 1944.

Les corvées

« Une fois mensurés et photographiés, nous avons accompli notre pre­mière corvée qui consistait à transporter des pierres de la carrière au camp. Cette carrière, située à environ 1,5 kilomètre du lieu de déten­tion, offrait un spectacle hallucinant. Sur les pitons et aux points les plus bas, des SS en armes et quelques conducteurs de chiens montaient une garde. Les malheureux qui y étaient affectés devaient maintenir, sous une avalanche de coups de triques et d'injures, une cadence de tra­vail des plus accélérées. Après l'extraction à l'explosif, la dislocation des blocs s'effectuait au pic dans des conditions inhumaines et dans une atmosphère de sauvagerie entretenue par les kapos et les Vorarbei­ters sous l'œil narquois des SS. Nous nous chargions de pierres et nous retournions au camp pour les déposer auprès des maçons, des internés comme nous, occupés à construire les assises de Blocks imposants.
La carrière de Buchenwald : des milliers de déportés y laissèrent la vie.
La carrière de Buchenwald : des milliers de déportés y laissèrent la vie.

 "Corvée de merde"

D'autres corvées plus pénibles nous attendaient, en particulier celle du Cheisskommando [= "commando de la merde"]. Toutes les déjections des détenus, reçues dans des fosses alimentées d'un filet d'eau et sur les petits murs desquelles il fal­lait s'asseoir en rang et dos à dos pour faire ses besoins, parvenaient par un système de canalisations souterraines dans des bassins installés dans la partie basse du camp. Ces bassins, peu profonds, du genre marais salants, recevaient les matières fécales qui se diluaient dans l'eau. Sous l'action de l'air et du soleil, l'eau s'évaporait et à la surface apparaissait bien vite une croûte que nous devions ramasser à l'aide de pelles et étendre sur des aires proches. Quand ces matières étaient presque sèches, nous les transportions sur des civières à proximité des jardins, où nous les entassions dans des sacs qui étaient chargés sur des camions qui se dirigeaient ensuite vers l'extérieur. Les Français du Block 52 étaient peu nombreux à effectuer ce travail, une dizaine au plus. Chaque fois nous étions incorporés manu militari à cette équipe spéciale d'une cinquantaine de détenus de nationalités différentes, aux­quels on faisait subir les pires brimades. Il ne se passait pas de jour sans que les SS et les kapos n'aient la fantaisie de nous pousser dans cette eau nauséabonde. Nous devions ainsi travailler dans une odeur pes­tilentielle, entourés de mouches et de moustiques attirés par les matières fécales qui avaient imprégné nos loques. Nous connaissions les moments les plus déprimants à notre retour. Après l'appel, souvent interminable, nous étions contraints par les Stubendienst - les préposés au service du Block - de rester dehors et d'attendre le milieu de la nuit ou le petit jour avant d'entrer. Nous traînions avec nous une puanteur indicible que nous nous efforcions d'atténuer lorsque nous avions le bonheur d'avoir un peu d'eau pour rincer nos défroques et nous laver. »

Fernand Gadéa, Quelques épisodes vécus au cours du dernier demi-siècle (1940-1991), Montpellier, Imprimerie Carlier Saumade, 1991.

Des déportés transportent la nourriture dans le camp de Plaszow (Pologne).

Des déportés transportent la nourriture dans le camp de Plaszow en 1943 (Pologne). (Photo USMM.)
Les kommandos qui avaient un rapport avec l'alimentation étaient parmi les plus recherchés car les déportés pouvaient parfois grapiller une nourriture supplémentaire. 

Le travail du Canada

Dans les  camps d'extermination, des dizaines de blocks (baraques) étaient réservées aux affaires des déportés qu'on venait d'exterminer. C'était le "Canada". Y travailler était plutôt un travail moins pénible que celui des autres kommandos : pas de marche épuisante pour aller et revenir du travai, travail le plus souvent à l'intérieur, travail qui permettait parfois de mettre la main sur de la nourriture (dans les poches ou les valises que l'on triait), travail qui permettait d'avoir des chaussures et des vêtements de meilleure qualité, mais aussi travail très surveillé par les SS qui cherchaient à récupérer l'or, les bijoux amené par les déportés et qui étaient impitoyables s'ils sentaient qu'on les volait.
Un groupe de Juifs commence à récupérer les affaires laissées par un convoi de déportation, pour les emmener vers les baraques du "Canada" où elles seront triées.
Auschwitz, été 1944 : un groupe de Juifs commence à récupérer les affaires
laissées par un convoi de déportation,
pour les emmener vers les baraques du "Canada" où elles seront triées.
Les déportés du convoi seront pour la plupart gazés dans les minutes qui suivent.
Voir aussi la page sur le Canada.

Le "travail" des Sonderkommandos

Le pire était sans doute le travail du kommando qui vidait les chambres à gaz de leurs cadavres et brûlait les corps dans les fours crématoires.
Lire là-dessus le témoignage de Dow Paisikovik : Un survivant du Sonderkommando d'Auschwitz raconte.

Les dessins de David Olère constituent un témoignage exceptionnel sur ce "travail". L'artiste fut, en effet, membre du Sonderkommando chargé de brûler les cadavres au sortir de la chambre à gaz. Ses dessins constituent un témoignage essentiel.
David Olère : dessin-témoignage du Sonderkommando Dessin de David Olère

Dessins de David Olère

     
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