Pèlerinage
à
Auschwitz..
Si je devais mourir pendant mon sommeil, c'est
que je
serais mort à Auschwitz.
Bien sûr, que j'en rêve souvent. Que je suis
à
nouveau à Auschwitz.
Et pendant ce rêve, il y en a un deuxième qui se
superpose, qui s'y incruste et qui me fait me demander comment il a
été possible que je sois à nouveau
dans ce maudit
camp, après en être sorti, en avoir
été
libéré,
avoir vécu en homme libre, marié, vécu
toute une
vie et m'être fait reprendre !
Et je me réveille en sursaut, étourdi un moment
par ce
cauchemar, et, reprenant mes esprits, je me rends compte
qu'après chacun de ces rêves, j'en sors de plus en
plus
angoissé,
de plus en plus accablé.
Donc, si je ne devais ne plus me réveiller un jour, c'est
que je serais mort pendant la nuit à Auschwitz. C'est
certain.
Pèlerinage maudit ! Moi qui n'ai jamais voulu retourner
là-bas, mes rêves m'y ramènent de force.
Et dire qu'il y en a qui paient pour retourner là-bas, qui
se
font du mal pour revoir les lieux où ils ont souffert, qui
souffrent qui pleurent....
Ils appellent cela "pèlerinage''....
Qu'ils laissent donc cela à tous ceux qui ne savaient pas,
ou
qui n'y croyaient pas.
Moi, je paierais bien pour ne pas y retourner, même dans un
rêve.
Maudit pèlerinage auquel mes rêves me
ramènent de
force.
Peut-être que je devrais changer de nom pour qu'on ne me
retrouve
plus ?
Comme d'autres l'ont fait. C'est ça, je vais changer de nom,
comme Jabotinsky qui est devenu Jabelot, Dreyfus qui est maintenant
Tréfousse, Honigbaum qui est Hauboin, Goldstein qui est
Pierred'or.
Comment voulez-vous qu'on les retrouve avec des noms pareils ?
Même dans un rêve ?
Donc, je vais changer de nom.
Oui... mais il y a le zizi.
Sacré zizi.
Il va falloir que j'en parle à Pierre Péret, lui
il s'y
connaît en zizis. Il va sûrement trouver une
solution.
Il connaît toutes les catégories de zizis au monde.
Si Pierre Péret et ses zizis avaient vécu au
temps
des nazis, les nazis n'auraient pas vérifié les
zizis.
Ils auraient vérifié autre chose. Trop tard
maintenant.
Nous n'irons plus au bois... les zizis sont coupés !
Serge Smulevic - 5 mai 1999
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