La résistance des Juifs de France
Laurie, du Collège Honoré de Balzac d'Issoudun, me demande des portraits de résistants juifs. En voici quelques-uns avec aussi la célèbre chanson d'Aragon : "L'Affiche Rouge"
Elodie, du Collège Louis Aragon de Jarny (54), complète cette question en me demandant : « J'aimerai savoir quels ont été les mouvements de résistance intérieure juive en France ? »
 
Photo de Joseph Epstein, un des chefs de la Résistance
Photo d'Hélène Kro
Joseph Epstein était, sous le nom de "commandant Gilles" un des principaux chefs de la résistance communiste en région parisienne. Il dirigeait un bataillon de la FTP-MOI (Francs Tireurs et Partisans - Main d'Oeuvre Immigrée). Il fut exécuté le 11 avril 1944. Hélène Kro avait intégré l'organisation des partisans juifs de la FTP-MOI en septembre 1942. Un matin de décembre 1942, elle fut prise avec deux autres résistantes (Hélène Igla et Rega Levine) dans une rafle, à la sortie du métro. La police trouva sur Hélène Kro des grenades. Ils l'emmenèrent aussitôt dans son logement pour tendre une souricière aux autres membres du réseau. Pour éviter que ses camarades ne soient pris en montant chez elle, elle se jeta de la fenêtre de son appartement, du cinquième étage.
Photo de Joseph Clisci, le héros de Clichy
Photo d'Olga Bancic
Joseph Clisci, un ingénieur, a été surnommé le « héros de Clichy ». Le 2 juillet 1943, l'unité de résistants juifs qu'il commandait, attaqua un autobus allemand plein d'officiers de la Luftwaffe (l'aviation allemande). Les armes furent amenées par Olga Bancic (voir ci-contre). Un partisan jeta une grenade par le fenêtre de l'autobus. Les pertes allemandes furent très lourdes. Mais au moment où le groupe se retirait, des gendarmes français arrivèrent et firent feu sur les résistants. Joseph Clisci protégea lui-même la retraite de ses hommes mais fut blessé à la jambe. Perdant son sang, il réussi à se cacher jusqu'au soir dans une cave, mais les S.S. fouillaient le quartier. Dénoncé par une femme, il résista jusqu'au bout, des heures durant, tirant sur les S.S. qui s'approchaient. Il garda sa dernière balle pour se suicider. Olga Bancic faisait partie du Groupe Manouchian, celui de l'Affiche Rouge (voir ci dessous). Elle était juive, née ne Bessarabie, étudiante à Paris. Elle participa aux combats de la brigade des partisans juifs de Paris. Par exemple, ce fut elle qui amena les armes au groupe qui attaqua un autobus d'officiers allemands à Clichy (voir ci-contre).
Elle fut jugée le 17 février 1944 dans le "procès des 23" de l'Affiche Rouge. Mère d'un enfant en bas âge, elle ne fut pas exécutée avec les 23 autres. Traînée de prison en prison, maltraitée, elle fut condamnée une seconde fois à mort à Stuttgart et guillotinée dans la cour de la prison, le 10 mai 1944, le jour de son trente-deuxième anniversaire.

L'affiche Rouge

Vous n'aviez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants.
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement 
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses,
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui va demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient La France en s'abattant
 
 

Louis Aragon, Le Roman Inachevé, Gallimard, 1955
Musique de Léo Ferré, 1959
L'affiche rouge : sur un fond rouge, un grand triangle comme une flèche vers le bas désigne des photos de sabotage. Ce triangle est est percé de dix photos dans des cercles, portraits des résistants avec leur mention d'origine : juif polonais, italien, espagnol rouge... A la pointe de la flèche, Manouchian, chef de bande, arménien. En haut de l'affiche, le texte : DES LIBÉRATEURS ? Et en bas : LA LIBÉRATION PAR L'ARMÉE DU CRIME !
L'affiche rouge, qui inspira à Aragon son célèbre poème, présente, dans sa partie supérieure, les visages des dix partisans. Les traces de trois mois de tortures n'arrivaient pas à effacer l'expression de fierté dans leurs yeux.
Voici les noms des partisans figurant sur l'affiche et les « légendes »
accompagnant la photo de chacun d'eux :
Fingercwajg, juif polonais, 3 attentats, 5 déraillements ; Boczow, juif hongrois, chef dérailleur, 20 attentats; Witchitz, juif polonais, 15 attentats; Wajsbrot, juif polonais, 1 attentat, 3 déraillements, Elek, juif hongrois, 8 déraillements, Grzywacz, juif polonais, 2 attentats, Fontanot, communiste italien, 12 attentats; Rayman, juif polonais, 13 attentats; Alfonso, Espagnol rouge, 7 attentats; Manouchian. Arménien, chef de la bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés.(A Manouchian on attribua toutes les actions de son détachement.)

Sous les photographies des « terroristes » figurent, à côté d'images de catastrophes ferroviaires et d'un arsenal d'armes des partisans, des corps criblés de balles : les « victimes » des « terroristes ». Le texte ne comporte que quelques mots : en haut : « DES LIBERATEURS? »,
en bas : « La Libération! par l'armée du crime ».

Titre d'un journal : Sur les vingt-quatre membres de la bande Manouchian, Vingt-trois terroristes ont été condamnés à mort par le Cour Martiale allemande de Paris
La presse collaboratrice annonce le verdict. Les "terroristes" sont en réalité des résistants.

Mémorial du groupe Manouchian

Mémorial du groupe Manouchian

 Les principaux mouvements de résistance juive en France :



Voir aussi la page sur La résistance juive et le sauvetage des enfants
et l'itinéraire d'un jeune juif de région parisienne, Jacques Sztykgold
Pour faire cette page, j'ai beaucoup utilisé le livre de Jacques Ravine, La Résistance organisée des Juifs en France (1940-1944), Julliard, 1973,
ainsi que Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger, Les immigrés de la M.O.I. dans la Résistance, Fayard, 1989,
Lucien Lazare, La résistance juive en France, Stock, 1987,
Marc Jarblum, La lutte des Juifs contre les Nazis, Editions Réalités, Paris, 1945
Abraham Lissner, Un franc-tireur juif raconte..., Paris, 1969
Les Anciens de la Résistance juive en France, Georges Loinger dir., Organisation Juive de Combat, Résistance/sauvetage. France 1940-1945, Editions Autrement, 2002
Monique Lise Cohen et Jean-Louis Dufour dir., Les Juifs dans la Résistance, Editions Tirésisas, 2001
sommaire
autres documents
Rechercher dans le site
page pour les élèves