Alix S., d'un collège de Belgique, me demande : « Comment s'est déroulée la rafle du Vél d'Hiv ? Où sont partis les Ju!ifs arrêtés ce jour là ? Quelles sont les dates, SVP ? »
Une rafle est une opération d'arrestations, par surprise, d'un grand nombre de personnes, organisée par la police.
La rafle a été préparée de longue date. Depuis la Conférence de Wannsee, en janvier 1942, Eichmann organise les convois de déportation dans toute l'Europe. Il sollicite les représentants nazis dans les territoires occupés pour exécuter des rafles et organiser des convois vers Auschwitz.
En France, c'est le SS Obersturmführer Danneker, le chef du service juif du SD en France occupée de fin 1940 à juillet 1942, qui est chargé d'organiser la rafle. Il est sous les ordres du général Oberg, chef des SS et de la police allemande en France. Eichmann est venu les voir à Paris et déclare : « Le rythme prévu jusqu'ici de trois transports hebdomadaires contenant chacun 1000 Juifs devra être intensifié rapidement, en vue de libérer totalement et le plus vite possible la France de ses Juifs. » (Compte-rendu rédigé par Eichmann, à l'issue de sa visite de 48 heures à Paris, 1er juillet 1942).
Pour cela, il négocie avec la police française qui accepte de collaborer et d'organiser seule la rafle !
Les policiers Jean Leguay (délégué de la Police de Vichy en zone occupée) et René Bousquet (secrétaire général de la Police française) négocient avec Dannecker. Ils mettront la police française à la disposition des Allemands pour faire la rafle.
Ainsi, le 10 juillet 1942, Dannecker télexe à Eichmann que la rafle sera conduite par la police française du 16 au 18 juillet et que l'on peut s'attendre à ce qu'il reste environ 4 000 enfants après les arrestations.
IV
J/SA 225a Urgent
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Paris,
le 10.7.1942
A l'Office Central de Sécurité du Reich IVB 4 Berlin Objet : Évacuation des Juifs de France. Référence: Entretien entre le S.S.-Obersturmbannführer Eichmann et le S.S.-Hauptsturmführer Dannecker le 1.7.1942 ; mon télex du 6.7.1942 IV J/SA 225 a. L'arrestation des Juifs apatrides à Paris sera opérée par la police française dans la période du 16 juillet au 18 juillet 1942. On peut s'attendre à ce qu'il reste environ 4 000 enfants juifs après les arrestations. Dans un premier temps c'est l'Assistance publique française qui les prendra en charge. Comme il n'est pas souhaitable qu'une promiscuité entre ces enfants juifs et des enfants non juifs se prolonge et que l'U.G.I.F. pourra placer au maximum 400 enfants dans ses propres centres, je sollicite une décision urgente (réponse par télex) pour savoir si par exemple à partir du 10e convoi les enfants d'apatride s à évacuer pourront être évacués eux aussi. En même temps, je demande une décision la plus rapide possible sur la question évoquée dans mon télex du 6 juillet 1942. Signé
: DANNECKER, S.S. - Hauptsturmführer.
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En 1942, la police française prépare, avec les autorités d'occupation, une grande rafle des Juifs étrangers demeurant à Paris. Voici une lettre du directeur de la police municipale de Paris, chargée d'arrêter les juifs étrangers :
La rafle se déroule sur deux jours, les 16 et 17 juillet 1942.
En fait, seule la police française et quelques officiers nazis seront dans les rues, les soldats allemands ont presque disparu de la circulation durant deux jours. Ils laissent faire leurs amis policiers français.
Les policiers français, dès l'aube, frappent à la porte des appartements où on leur a dit d'arrêter les Juifs. Ils les conduisent ensuite vers des autobus. De là, ils sont emmenés au Vélodrome d'hiver.
Lettre de Marie Jelen annonçant à son père son arrestation.
Pour consulter l'ensemble de la correspondance de cette petite fille, voir les pages qui lui sont consacrées.
Le Vélodrome d'hiver, en abrégé « Vél' d'hiv' », était comme son nom l'indique une piste pour des courses de vélos, dans un stade couvert.
C'est là, dans les gradins, que furent emmenés les Juifs arrêtés. Le lieu fut choisi parce qu'il pouvait contenir un grand nombre de personnes.
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Le vélodrome d'hiver,
photographié, avant la guerre par Brassai, un grand
photographe |
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Les autobus utilisés à Paris lors de la rafle du Vél'd'hiv, les 16 et 17 juillet 1942, stationnés le long du Vélodrome d'Hiver. C'est l'unique photo retrouvée dans les archives de presse. La censure interdit sa publication en juillet 1942. |
3031 hommes, 5802 femmes et 4051 enfants ont été arrêtés à Paris les 16 et 17 juillet. Au total : 12.884 Juifs étrangers.
Il manque évidemment un certain nombre d'hommes. Certains, prévenus par une rumeur, ont rapidement quitté leur domicile le 15 juillet au soir ou le 16 au matin. Mais ils ne s'attendaient pas à ce que la police française arrête des femmes et des enfants...
Il y a une certaine déception chez les nazis et les policiers français : le chiffre de 15.000 Juifs était "espéré".
Après le Vél' d'hiv', les Juifs arrêtés sont conduits d'abord à Drancy. De là, les Juifs sont déportés vers le camp d'Auschwitz où la plupart d'entre eux sont exterminés.
Certains sont aussi conduits aux camps de Beaune-la-Rolande ou de Pithiviers, avant d'être à leur tour déportés vers Auschwitz. (Lire là-dessus les dernières lettres de Marie Jelen, envoyées de Pithiviers)
Au cours des mois de juillet et d'août, les convois se succèdent très rapidement : 20 convois entre le 19 juillet et le 30 août 1942.
Date, en 1942
N° du convoi
Camp de départ
Destination du convoi
Nombre de déportés
19. 7
7
DRANCY
AUSCHWITZ
999
20. 7
8
ANGERS
AUSCHWITZ
827
22. 7
9
DRANCY
AUSCHWITZ
996
24. 7
10
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
27. 7
11
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
29. 7
12
DRANCY
AUSCHWITZ
1001
31. 7
13
PITHIVIERS
AUSCHWITZ
1049
3. 8
14
PITHIVIERS
AUSCHWITZ
1034
5. 8
15
BEAUNE-LA-ROLANDE
AUSCHWITZ
1014
7. 8
16
PITHIVIERS
AUSCHWITZ
1069
10. 8
17
DRANCY
AUSCHWITZ
1006
12. 8
18
DRANCY
AUSCHWITZ
1007
14. 8
19
DRANCY
AUSCHWITZ
991
17. 8
20
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
19. 8
21
DRANCY
AUSCHHITZ
1000
21. 8
22
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
24. 8
23
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
26. 8
24
DRANCY
AUSCHWITZ
1002
28. 8
25
DRANCY
AUSCHWITZ
1000
31. 8
26
DRANCY
AUSCHWITZ
Dans de nombreuses villes de la zone occupée, la rafle a lieu, en même temps qu'à Paris. A Soissons, le 17 juillet. A Dax, le 16 juillet comme en témoigne ce document :
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