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Certains
poèmes de
Desnos sont connus de tous les enfants. Qui ne connait "La fourmi" ? LA FOURMI Une
fourmi de dix-huit mètres TRENTE CHANTEFABLES POUR
LES ENFANTS
SAGES (paru en 1944)
Robert Desnos est né le 4 juillet 1900,
à
Paris.Entre 1918 et 1920, avant son service militaire, il découvre le mouvement Dada et est présenté à André Breton. Il commence à publier et se lance dans toutes sortes d'expérimentation sur le langage. En 1922-1923, il devient un membre actif du groupe surréaliste. André Breton dira : « Le surréalisme est à l'ordre du jour et Desnos est son prophète » Il travaille comme journaliste d'abord à Paris-Soir (1925-1926), puis à Le Soir (1926-1929), à Paris-Matinal (1927-1928) et au Merle. Passionné de cinéma, il publie des chroniques cinématographiques dans divers journaux. Il écrit beaucoup de poèmes durant cette période. En 1927, lorsque le groupe surréaliste se rapproche du Parti Communiste, Desnos s'éloigne et rompt en 1929. Ses amours se partagent entre Yvonne George, chanteuse de music-hall des années 20 et Youki Foujita avec laquelle il vit à partir de la fin des années 20. En 1934, il adhère au Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes et à l'Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires. Il abandonne son pacifisme pour l'action antinazie. Il part se battre dans l'armée française en 1939-40 : « J'ai
décidé de
retirer de la guerre tout le bonheur qu'elle peut me donner :
la
preuve de la santé, de la jeunesse et l'inestimable
satisfaction
d'emmerder Hitler. » (Lettre du 20 janvier 1940
à
Youki)
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Maréchal DuconoMaréchal Ducono se page avec méfiance, Il rêve à la rebiffe et il crie au charron Car il se sent déja loquedu et marron Pour avoir arnaqué le populo de France. S'il peut en écrascr, s'étant
rempli la panse, A la péter les vieux et les mignards
calenchent, De se savoir vomi comme fiotte et faux derge Mais tant pis pour son fade, il aurait dû clamser |
Il continue d'être journaliste (à Aujoud'hui) sous l'occupation et ce travail lui permet de couvrir ses fonctions dans le réseau de résistance AGIR auquel il appartient à partir de juillet 1942 : son rôle consiste d'un part à fournir des informations à la presse clandestine et d'autre part à rédiger et fabriquer des pièces pouvant aider des membres du réseau et des juifs. En même temps, il participe à diverses publications clandestines. Il publie par exemple ce "Maréchal Ducono" en qui l'on reconnaîtra Pétain. |
Notre paire
Notre paire quiète, ô yeux ! que votre "non" soit sang (t'y fier ?) que votre araignée rie, que votre vol honteux soit fête (au fait) sur la terre (commotion). Donnez-nous, aux joues réduites, notre pain quotidien. Part, donnez-nous, de nos oeufs foncés, comme nous part donnons à ceux qui nous ont offensés. Nounou laissez-nous succomber à la tentation et d'aile ivrez-nous du mal. Corps et
biens, 1930
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La furtive
La furtive s'assoit dans les hautes herbes pour se reposer d'une course épuisante à travers une campagne déserte. Poursuivie, traquée, espionnée, dénoncée, vendue. Hors de toute loi, hors de toute atteinte. A la même heure s'abattent les cartes Et un homme dit à un autre homme : "A demain." Demain, il sera mort ou parti loin de là. A l'heure où tremblent les rideaux blancs sur la nuit profonde, Où le lit bouleversé des montagnes béant vers son hôtesse disparue Attend quelque géante d'au-delà de l'horizon, S'assoit la furtive, s'endort la furtive Dans un coin de cette page. Craignez qu'elle ne s'éveille, Plus affolée qu'un oiseau se heurtant aux meubles et aux murs. Craignez qu'elle ne meure chez vous, Craignez qu'elle s'en aille, toutes vitres brisées, Craignez qu'elle ne se cache dans un angle obscur, Craignez de réveiller la furtive endormie. |
A la faveur de la nuit
Se glisser dans ton ombre
à la faveur
de la nuit.
A la
Mystérieuse, 1926
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Demain
Âgé de
cent-mille ans, j'aurais
encore la force Mais depuis trop de mois nous
vivons à
la veille, Or, du fond de la nuit, nous
témoignons
encore
État
de veille, 1942
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Hommes de sale caractère Hommes de mes deux mains Hommes du petit matin La machine tourne aux ordres de Deibler Et rouages après rouages dans le parfum des percolateurs qui suinte des portes des bars et le parfum des croissants chauds. L'homme qui tâte ses chaussettes durcies par la sueur de la veille et qui les remet. Et sa chemise durcie par la sueur de la veille Et qui la remet. Et qui se dit le matin qu'il se débarbouillera le soir Et le soir qu'il se débarbouillera le matin Parce qu'il est trop fatigué... Et celui dont les paupières sont collées au réveil Et celui qui souhaite une fièvre typhoide Pour enfin se reposer dans un beau lit blanc... Et le passager émigrant qui mange des clous Tandis qu'on jette à la mer sous son nez Les appétissants reliefs de la table des premières classes Et celui qui dort dans les gares du métro et que le chef de gare chasse jusqu'à la station suivante... Hommes de sale caractère Hommes de mes deux mains Hommes du petit matin. |
Ce coeur qui
haïssait la
guerre
Ce coeur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce coeur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos. Mais non, c'est le bruit d'autres coeurs, de millions d'autres coeurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre : Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce coeur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Francais se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. |
J'ai
tellement
rêvé de toi J'ai tellement marché, tellement parlé, Tellement aimé ton ombre, Qu'il ne me reste plus rien de toi, Il me reste d'être l'ombre parmi les ombres, D'être cent fois plus ombre que l'ombre, D'être l'ombre qui viendra et reviendra Dans ta vie ensoleillée. 1945
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J'ai tant
rêvé de toi que tu
perds ta réalité. J'ai tant
rêvé de toi que
mes bras habitués J'ai tant
rêvé de toi qu'il
n'est plus temps J'ai tant
rêvé de toi, tant
marché, parlé,
Corps
et biens, 1930
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« Jusqu'à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses envolées imprévues. »
Paul Éluard, discours prononcé lors de la remise des cendres du poète, octobre 1945
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