Le camp de Bergen-Belsen

où Anne Frank trouva la mort

Marion et Anne, 13 ans, élèves de 4eme du collège Himmelsberg de Sarreguemines m'écrivent :
"Nous faisons un exposé sur Anne FRANK, en allemand, et nous souhaiterions des renseignements sur le camp de Bergen-Belsen.
Nous vous serions reconnaissantes de nous apporter quelque réponses.
MERCI d'avance."

Bergen-Belsen se trouve entre Hambourg et Hanovre, dans le nord de l'Allemagne.

Bergen-Belsen sur la carte des camps

Ce fut d'abord un camp de prisonniers lors de la Première guerre mondiale, puis au début de la Seconde guerre mondiale, pour des prisonniers français qui construisirent les baraquements. Ensuite, les nazis y enfermèrent des prisonniers de guerre russes. Il fut transformé en camp de concentration mis à la disposition des S.S. en avril 1943.

Le premier commandant du camp de concentration fut le capitaine S.S. Adolf Haas. Il fit installer un four crématoire.

Les premiers Häftlinge (prisonniers) arrivèrent au printemps 1943, remplaçant les prisonniers de guerre envoyés ailleurs.

Dans le camp, une place était réservée à des "Juifs à échanger". Himmler avait décidé de cette opération. Il voulait organiser un échange contre des Allemands de Palestine.  Il s'agissait de 2300 à 2500 Juifs polonais avec un passeport d'Amérique latine arrivés en juillet 1943. Finalement, l'échange ne se fit pas et ces Juifs furent envoyés à Auschwitz et exterminés.

D'autres Juifs cependant furent conduits dans ce "Sternlager" ("camp de l'étoile") appelé ainsi car ces "Juifs à échanger" devaient porter l'étoile jaune cousue sur leurs vêtements. 441 juifs de Salonique, souvent d'origine espagnole, arriveront ainsi en août 1943 et seront envoyés en Espagne en février 1944. D'autres (grecs, portugais, hollandais) arrrivent et l'échange aura lieu en juin 1944 : 4100 seront libérés et parviendront à Haïfa le 10 juillet 1944 en passant par  Vienne, Budapest et Istanbul. Par la suite, 301 "Juifs à échanger" quitteront Bergen-Belsen vers la Suisse en janvier 1945.

Dans le camp, d'autres cas sont traités à part : un camp de Juifs hongrois créé en juillet 1944, un "camp des neutres" composé de deux baraques pour des Juifs ressortissant d'Espagne, du Portugal, d'Argentine et de Turquie (pays neutres).

Le camp de Bergen-Belsen est aussi un "camp de repos" pour les détenus des autres camps incapables de travailler, épuisés ou trop âgés. Le premier convoi arrive de Dora avec 1000 déportés presque tous tuberculeux, dont 200 Français, le 27 mars 1944.

Voici un plan du camp :

Plan de Bergen-Belsen en janvier 1945

Plan de Bergen-Belsen en janvier 1945
Légende :


A : prisonniers politiques et de droit commun
B : camp "Schneebaum"
C : Baraque de couture
D : camp hongrois
E : Camp de l'"étoile jaune" ("Sternlager")
F : camp des déportés venant d'Auschwitz
G : Baraque de la cordonnerie
H : Baraque de l'habillement
I : camp des tentes
K : cuisines
L : dépôt d'alimentation
M : four crématoire
N : Bain S.S.
O : commandant S.S.
P : cantine S.S.
Q : cuisine S.S.
R : garage
S : sentinelles S.S.
T : garde S.S.
U : camp militaire
V : prisonniers de guerre russes
W : prison (cellules)



Voici à quoi ressemblaient l'intérieur de baraques (les "blocks") avec les châlits où l'on dormait à trois :

L'intérieur d'un block à Bergen-Belsen
L'intérieur d'un block à Bergen-Belsen.
Photo prise après la libération du camp.

Est-il possible de penser qu'Anne Frank ait pu continuer à écrire dans le camp de Bergen-Belsen ? Rien ne permet de le dire. mais ce témoignage d'une autre petite fille déportée dans ce camp est troublant :

Ecrire au camp ?


     « Au camp, j'avais réussi à me procurer un rouleau de papier toilettes. Puis j'avais échangé quelque chose que je possédais contre un crayon. J'ai commencé à écrire, je notais tout ce qui m'arrivait, mes désirs, mes peurs, des conversations que j'avais entendues, des choses que disaient les gens. Jusqu'au moment où ce rouleau de papier toilettes a été trouvé par les soldats lors d'une fouille. Je me souviens que je revenais de l'Appell (appel) quand j'ai vu un soldat avec le papier toilettes, en train de le dérouler et de le lire à un autre - en riant, l'air de trouver ça très amusant. Je me suis subitement ruée sur lui pour lui arracher. Il l'a écarté en disant : « Non ! C'est trop bien pour toi. » II l'a emmené avec lui. J'entendais la conversation. J'entendais ce qu'ils étaient en train de commenter. Je me souviens d'une des choses qu'il a dites à l'autre : « Elle a de l'humour ! » Pourtant, je ne me souvenais pas d'avoir écrit quelque chose de drôle là-dedans. Je me souviens d'avoir éprouvé, m'être dit : « Vous avez peut-être pris mon rouleau de papier, mais vous ne m'empêcherez pas d'écrire. » J'ai fait le serment de consacrer le reste de ma vie à écrire. »

Renée H, in Témoigner, paroles de la Shoah, Flammarion, 2000

A partir de mai 1944, le typhus sévit à Bergen-Belsen. C'est de cela que mourra Anne Frank.


De quoi mourrait-on à Bergen-Belsen ?

     « L'épuisement était la cause prépondérante des décès. C'était un état complexe déterminé par des facteurs alimentaires dont le principal était naturellement l'insuffisance globale de la ration quotidienne. Elle avait pour résultat un amaigrissement extrême, surtout tragique chez ceux qui avaient possédé un certain embonpoint. À l'insuffisance s'ajoutait le déséquilibre. L'excès relatif d'amidon météorisait les ventres et entraînait une incoercible diarrhée ; la restriction en protéines créait les oedèmes, l'absence de fer anémiait les épidémies. Les avitaminoses ulcéraient les gencives et entraînaient des troubles de la marche... Les guérisons étaient impossibles, parce que l'hygiène du camp était volontairement horrifiante : les hommes restaient cinq, six mois sans changer leur misérable chemise, leur unique caleçon, sans être conduits aux douches, sans aller, dans certains Blocks, aux lavabos dont on leur interdisait l'accès ; les paillasses, imprégnées des déjections des mourants, n'étaient jamais remplacées ; les couvertures que l'on se repassait, minces loques effilochées, étaient couvertes de crachats desséchés; le parquet des baraques était noir de vermine; les détenus restaient quinze heures consécutives dans une salle aussi hermétiquement fermée qu'un tombeau, où se mêlaient les miasmes, tous   les germes, car, malgré les efforts des médecins, les tuberculeux couchaient avec les érysipèles, les dysentériques avec les pneumoniques, les scarlatineux avec les blessés. Les guérisons étaient impossibles parce que les médicaments étaient donnés au compte-gouttes et n'étaient que des médicaments anodins... Les guérisons étaient impossibles parce que les gens de maîtrise ne laissaient passer aucun prétexte pour frapper ou glacer les malades ; parce que entre les détenus mêmes, les plus faibles subissaient les brutalités des plus forts, comme chez les bêtes... De même que dans tous tes camps, on mourait à Belsen de mort violente, d'épuisement, ou de maladie. Les morts violentes étaient moins nombreuses que dans les grands camps ; les pendaisons massives, les chambres à gaz y étaient inconnues. Les barbelés n'étaient pas électrifiés. Les fusillades collectives ne se produisirent que dans les jours qui précédèrent la délivrance. Il restait les meurtres individuels, officiels ou non, les piqûres et les suicides. Ces derniers étaient nombreux et procédaient par vagues épidémiques. On choisissait toujours la pendaison qui était à la portée de tous : une ceinture, une poutre, un
escabeau. »

Témoignage du docteur Frejafon, Bergen-Belsen bagne sanatorium, Paris, Librairie Valois, 1947


Des cadavres partout

     « Juste en face d'où nous étions, il y avait un charnier, le bâtiment débordait de cadavres, non seulement à l'intérieur mais aussi tout autour. Il y avait des cadavres partout. Je vivais, je marchais à côté des morts. Après quelque temps, ça devenait comme si ça avait toujours été comme ça, si bien qu'on devait se dire à soi-même : «Je ne veux pas voir qui c'est. Je ne veux pas reconnaître quelqu'un dans cette personne qui gît là. "J'en étais arrivée à comprendre qu'il fallait que je ferme les yeux sur un certain nombre de choses. Autrement, je n'aurais pas pu survivre, parce que j'ai vu des gens devenir fous. Il ne s'agissait pas seulement de vivre avec ça, mais aussi avec la folie. »

Renée H, in Témoigner, paroles de la Shoah, Flammarion, 2000.


Comment est morte Anne Frank à Bergen-Belsen

     « Grâce aux informations rassemblées auprès des survivants, nous apprîmes que Margot et Anne avaient été séparées de leur mère à Auschwitz, qu'Edith y avait passé seule la dernière année de sa vie.
       Transférées à Bergen-Belsen, Margot et Anne avaient relativement bien supporté les conditions de vie du camp, jusqu'au début de l'année 1945. Elles avaient alors toutes les deux attrapé le typhus. En février ou mars, Margot avait succombé à la maladie. Restée seule, Anne était morte peu de semaines avant la libération du camp. »
Témoignage de Miep Gies, la femme qui aida les Frank à se cacher

La libération du camp

Le témoignage qui suit peut peut-être aider à comprendre dans quelle atmosphère est morte Anne Frank. Le typhus provoque un terrible affaiblissement.

Témognage de Renée H. sur la Libération du camp

Une des choses les plus tristes de ma vie, c'est que je n'ai aucun souvenir de ma libération, j'avais le typhus. Je n'ai aucun souvenir de l'arrivée des Anglais à Bergen-Belsen, aucun souvenir de ce que les gens m'ont raconté par la suite, de l'explosion de joie, de mon transfert à l'hôpital de campagne, à l'extérieur - là où les Allemands avaient leur cantonnement. Le Dr Collis, qui a participé à la libération, m'a raconté plus tard que j'étais passée très près de la mort. Si j'avais dû attendre les Anglais deux jours de plus, je n'aurais pas survécu.

Renée H, in Témoigner, paroles de la Shoah, Flammarion, 2000.

Au moment où les Américains arrivent pour libérer le camp, le typhus fait rage. Les cadavres s'accumulent dans les allées du camp.

Les cadavres photographiés apr des soldats américains
Les cadavres photographiés par des soldats américains
Fosses communes dans lesquelles les Américains enterrèrent les morts du typhus
Fosse commune dans laquelle les Américains enterrèrent les dernières victimes du camp
Le 20 mai 1945, à cause de l'épidémie, l'armée anglaise détruit entièrement le camp au lance-flammes.
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