L'antisémitisme aujourd'hui, en France

Céline Barbier, lycéenne du Lycée Ambroise Paré de Laval (53) demande : « J'aimerais savoir si dans les dix dernières années il s'est produit des exemples d'antisémitisme dans le monde mais plus particulièrement en France. Car on parle surtout de l'antisémitisme pendant la guerre de 1939-1945 (Hitler et gouvernement de Vichy) mais on ne parle jamais de cette forme de racisme dans le monde d'aujourd'hui. »

J'ai classé les événements les plus significatifs dans l'ordre chronologique :
 

Dans les années 1980-1990

Des incidents antisémites, peu nombreux mais significatifs

Voici quelques éléments pour juger de l'antisémitisme en France, avec aussi quelques faits ailleurs, en Europe.
 

Statistiques de l'antisémitisme en France, selon le QUID

Statistiques en France. Agressions antisémites : de 1980 à 1992 : 317 (dont 288 de l'extrême droite, 24 liées au terrorisme international, 5 d'Action directe) ; 1 669 menaces ou actions injurieuses.
Attentats : 1978 : 15 ; 79 : 25 ; 80 : 75 ; 81 : 26 ; 82 : 34 ; 83 : 21 ; 84 : 15 ; 85 : 11 ; 86 : 2 ; 87 : 13 ; 88 : 17 ; 89 : 18 ; 90 : 20 ; 91 : 40 ; 92 : 80.
Profanations de cimetières : 1987-89 : 6. 1990-9-5 : Carpentras (élucidée en 1996). 1992-30-8 Herrlisheim (Ht-Rhin) ; -12/13-9 Lyon. 1993-10-6 Haut-Vernet (Pyr.-Or.) ; de synagogues [exemples : 1992-31-12 : Villepinte, Bischeim (banlieue de Strasbourg)]. Victimes : 1988-92 : 12 † (11 de terrorisme), 151 blessés.

 
Inscriptions antisémites
sur la boutique d'un bijoutier juif,
en France, dans les années 80.

 
Profanation de la stèle à la mémoire des enfants d'Izieu,
arrêtés par Klaus Barbie et  déportés à Auschwitz

Article de presse rendant compte de la profanation
Article de presse rendant compte de la profanation
.

1990-1997

Une haine attisée par l'extrême-droite

Le leader d'extrême-droite, Jean-Marie Le Pen, est connu en France pour se "dérapages" antisémites pour lesquels il fut souvent condamné par la Justice. Un article du journal Le Monde du 2-3 mars 1997 revient sur une affirmation scandaleuse du chef fasciste, qui affirme que le président de la République serait "aux mains des Juifs".

La profanation du cimetière juif de Carpentras

Cette idéologie d'extrême-droite influence des jeunes paumés comme ces skinheads qui ont profané le cimetière juif de Carpentras. Les auteurs de cette profanation seront arrêtés et jugés en 1997.
 
L'Humanité du mardi 18 mars 1997
insiste sur les rapports entre les profanateurs et l'extrême-droite.
L'Humanité du Jeudi 20 mars 1997.
Sur la photo,
Fodé Sylla, président de SOS-Racisme
avec Madeleine Germon,
victime de la profanation
puisque le corps de son mari
a été déterré par les profanateurs.
.
France-Soir du 25 avril 1997
annonce le verdict.

2000

A l'occasion de la nouvelle intifada en Palestine, des incidents antisémites dans les banlieues

Les organisations de défense des droits de l'Homme recensent régulièrement les dérapages racistes dans les différents pays européens et en font la liste. Parmi eux, des incidents antisémites :
 
 
              ALLEMAGNE

               28 juillet. 7 femmes et 3 hommes, âgés de 24 à 50 ans, originaires de l'ex-Union soviétique (Ukraine, Azerbaïdjan et Russie), blessés par l'explosion d'une bombe, près d'une station de chemin de fer urbain, à l'ouest de Düsseldorf. Sept d'entre eux sont juifs. L'attentat, relève "Le Monde, "a choqué les esprits" et provoque la mobilisation du gouvernement allemand "contre la xénophobie".

               Jusqu'à l'attentat, note le journal, "les actes isolés de violence raciste (passages à tabac, violations de sépultures juives, incendies criminels) s'égrenaient avec régularité sans éveiller de débat. Depuis l'apogée de 1992, quand huit personnes, dont des fillettes turques, étaient mortes brûlées dans des attentats contre des foyers d'étrangers, les douloureuses interrogations au regard de l'histoire allemande avaient peu à peu cessé".

               En mai dernier, le président de la République, le social-démocrate Johannes Raus, avait dénoncé "une intolérance agressive contre les étrangers". A la mi-juillet, le président du Conseil central des juifs, Paul Spiegel, s'inquiétait de la recrudescence des actes xénophobes. "Je n'aurais pas cru possible que, cinquante-cinq ans après l'Holocauste, nous entendions parler chaque jour de nouvelles attaques racistes, ni que des jeunes de quatorze ou quinze ans ne sachent plus ce que signifie Auschwitz".

               9 août. Selon un sondage publié par l'hebdomadaire allemand Die Zeit, les deux tiers des Allemands de 14 à 17 ans ignorent tout de l'Holocauste et seulement 40% d'entre eux savent qu'Auschwitz, Dachau et Treblinka furent des camps de concentration.

               7 août. Les dirigeants du Conseil central des juifs et le porte-parole du gouvernement allemand lancent un "pacte" contre l'extrême droite pour mobiliser les citoyens. Sous le mot d'ordre "Affichez les couleurs", cette initiative entend fédérer "la résistance des démocrates" face aux violences xénophobes et à l' antisémitisme dans le pays.

               18 août. Le chancelier Gerhard Schröder appelle "l'Etat et la société" à combattre avec "la plus grande détermination" la violence d'extrême droite en Allemagne, en particulier dans les Länder de l'ex-RDA.
               "Nous ne pouvons admettre que, dans notre pays, des gens soient insultés dans la rue, frappés, voire assassinés à cause de leur langue, de leur religion ou de la couleur de leur peau". "Il nous faut, Etat et société, réagir d'une façon très claire et avec la plus grande détermination".

               30 août. La justice allemande rend un jugement sévère contre trois jeunes skinheads coupables d'avoir frappé à mort un père de famille mozambicain à Dessau, à l'est du pays (ex-RDA). Le plus âgé, Enrico Hilprecht, 24 ans, a été condamné à perpétuité, les deux autres, mineurs, à neuf ans de prison par le tribunal de Halle. Le jugement intervient alors que l'Allemagne tente de réagir contre la violence xénophobe et les agissements de groupes néonazis.

               4 octobre, Düsseldorf. Le chancelier Gerhard Schroeder appelle à "un soulèvement des gens bien" contre le racisme et l'antisémitisme , alors que l'Allemagne politique est en émoi après un incendie criminel perpétré contre une synagogue à Düsseldorf, le deuxième en six mois. "L'écrasante majorité des Allemands ne peut laisser une minorité détruire l'image du pays".
               Au président du Conseil central des juifs en Allemagne, Paul Spiegel, qui s'interrogeait sur la pertinence
               pour les juifs de revivre en Allemagne ("Nous voulons entendre, voir et sentir que ça ne continuera pas ainsi"), le ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, répond: "Nous voulons que les juifs puissent vivre en Allemagne librement et en toute sécurité . Nous voulons que les communautés juives continuent de grandir en Allemagne".
               Ne comptant encore qu'environ 30.000 personnes dans les années 1980, la communauté juive en Allemagne regroupe aujourd'hui quelque 85.000 membres, grâce notamment à l'arrivée de juifs venant de l'ex-URSS.

               9 octobre, Berlin. Otto Schily, ministre allemand de l'intérieur, estime "suffisantes" les preuves permettant de déposer une demande d'interdiction du parti national-démocrate (NPD) auprès de la Cour constitutionnelle. Classé néo-nazi par les services de renseignements allemands, le NPD compte quelque 6'000 membres.

               27-28 octobre. A Rostock, le 27, des skinheads attaquent trois jeunes adolescents de 10, 14 et 16 ans, Sur le corps nu du plus petit, ils ont écrit: ”Je vis pour l’Allemagne” et dessiné une croix gammée. Le 28, à Himbergen (nord du pays), une vingtaine de skinheads s’en prennent à une famille turque aux cris de ”Sieg Hitler” et ”cochons d’étrangers”.
      Le même jour, à Düsseldorf, 25.000 personnes manifestent contre l’extrême droite, à l’appel des partis politiques, des Eglises, des syndicats et de diverses associations. Deux tiers des Allemands sont favorables à l’interdiction des trois partis d’extrême droite, le Parti néo nazi NPD, les Republikaner et l’Union du peuple allemand (DVU), selon un sondage de l’institut Dimap.

Profanation d'un cimetière juif en Allemagne du Sud en octobre 2000
Profanation d'un cimetière juif en Allemagne du Sud, octobre 2000

               9 novembre, Berlin. L’appel à ”la révolte des honnêtes gens”, lancé en octobre par le chancelier Gerhard Schröder, au lendemain de l’attentat contre la synagogue de Düsseldorf, a été entendu: quelques 200’000 Berlinois manifestent contre l’extrême droite.

               FRANCE

               16 juillet, Paris. Première journée nationale à la "mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l'Etat français" pendant la dernière guerre et d'hommage aux "Justes" de France - jour anniversaire de la grande rafle des juifs parisiens, le 16 juillet 1942, parqués au vélodrome d'hiver avant d'être déportés vers les camps d'extermination. Jean-Luc Mélenchon, ministre, déclare au nom du gouvernement français : "Des fanatiques ont pensé et voulu ce crime, une masse de prudents zélés et d'indifférents actifs, réunis dans la même lâcheté, l'ont organisé et réalisé". Il a ajouté que "tous sont coupables et tous sont français, pour notre honte".

               21 août. Le maire de Strasbourg, Catherine Trautmann, dépose plainte pour "dégradation volontaire par inscription à caractère raciste et antisémite", après la découverte de l'inscription en lettres noires "Le Roy, Sale juif", assortie d'une croix gammée, sur les murs du stade du Racing Club de Strasbourg. Le club de football, qui avait déjà saisi la justice à la suite d'insultes proférées contre l'entraîneur Claude Le Roy et les joueurs noirs de l'équipe, a lui aussi porté plainte "pour incitation à la haine raciale".

               12 octobre. "Les actes antisémites se multiplient en France sur fond de crise au Proche-Orient", titre le quotidien "Libération". Plusieurs synagogues ont été la cible d'engins incendiaires et des bâtiments ont été couverts d'inscriptions antisémites.

La synagogue de Bondy incendiée
La synagogue de Bondy, octobre 2000

               Le 10 octobre, la synagogue de Trappes (Yvelines) a été en partie détruite par un incendie d'origine criminelle. De semblables attentats ont eu lieu contre des synagogues aux Ulis (Essonne), à Creil (Oise), à Lyon, à Villepinte et Clichy-sous-Bois (Seine St-Denis), dans la banlieue de Strasbourg ainsi qu'à Paris. A Paris, le 11 octobre, un commando du GUD, groupe d'extrême droite, a investi l'Université d'Assas, brûlé un drapeau israélien et laissé des tracts. "Sionistes, hors des facs. A Paris comme à Gaza, Intifada".

               Le Président français Jacques Chirac a condamné les "manifestations d'intolérance" et d'antisémitisme dans le pays. "Elles sont [...] inacceptables dans notre démocratie. Elles mettent en cause de façon inadmissible les valeurs et les traditions de la République française".

               14 octobre, Biarritz. Au sommet de l’Union européenne, Jacques Chirac dénonce ”des paroles, des comportements indignes et des actes inacceptables” commis contre la communauté juive et appelle ”au dialogue et à la tolérance”.

               15 octobre. Trois synagogues de la banlieue parisienne à Bagnolet, à Noisy-le-Sec (Seine-St-Denis) et à Chevilly-Larue (Val-de-Marne) sont la cibles d’engins incendiaires. Le 16, une voiture-bélier défonce la façade de la synagogue des Minguettes, à Vénissieux (Rhône). A Strasbourg, une boulangerie dont la devanture portait l’inscription ”Juifs assassins”, ainsi qu’un slogan pro-Hezbollah, est incendiée.

                NATION rom / Tsiganes

               28 juillet. Les Tsiganes réunis en "congrès mondial" à Prague réclament la reconnaissance de la "nation rom" - rom signifie une "personne" dans la langue indo-européenne du même nom. Pour le Tchèque Emil Scuka, président de l'Union rom internationale (URI), les quelque 15 millions de Tsiganes  – dont 8 millions environ en Europe – méritent mieux que l'étiquette de groupe "minoritaire ou ethnique" qui leur est accolée ici et là. "L'Onu doit commencer à respecter le préambule de sa Charte, selon lequel toutes les nations sont "égales". Nous voulons être les premiers à demander un tel droit en tant que nation, et non en tant qu'Etat" ("Le Monde", 30-31.07.2000).
               Le congrès a par ailleurs réclamé réparation pour les 500.000 tsiganes qui ont péri pendant l'Holocauste nazi.

               4 décembre, Rome. Les quelque 2 millions de Roms vivant dans l’Union européenne ont ”droit à la citoyenneté européennes”, estime Emil Scuka, président de l’Union internationale des roms (IRU). Le leader de la principale organisation tsigane au monde a remis au président du Conseil italien, Giulano Amato, une déclaration solennelle d’une ”nation rom transnationale” permettant aux roms de ”vivre comme et avec les autres Européens”. ”Nous n’exerçons pas de revendications nationalistes ou séparatiste”, a-t-il ajouté en rappelant que les ”préjugés” et les discriminations” à l’encontre des roms n'avaient pas disparu en Europe.

                SUISSE

               19 septembre, Berne. La Police fédérale suisse publie un rapport "sur les milieux skinheads en Suisse".
               Le rapport, qui s'attache à étudier les comportements et actions du "noyau dur" des extrémistes suisses (700 personnes alors qu'il y aurait, selon certains observateurs, entre 1'500 et 2'000 skinheads actifs en suisse) conclut, qu'il n'y a pas lieu de voir aujourd'hui dans l'extrémisme de droite en général "un grand péril pour la sûreté nationale". Certains développements actuels soulèvent "néanmoins des inquiétudes qui imposent une vigilance accrue"


Le point de vue d'un Juif français, solidaire du peuple palestinien :

VOUS AVEZ DIT ANTISÉMITISME ?

                    PAR MAURICE RAJSFUS 
                    Le grand mot est lâché : antisémitisme. Comme si la France entière était, de nouveau, saisie par les vieux démons. Les mots peuvent être meurtriers et il convient d'en mesurer la portée. Et surtout, ne pas oublier que ce sont surtout les Arabes et les Noirs qui sont l'objet du rejet et même de la haine d'une partie notable de la population de ce pays. 

                    Antisémitisme, c'est le rappel d'une longue traque, hideuse, qui conduisait au pire, il y a bientôt soixante ans, à Auschwitz. Alors ceux qui, aujourd'hui, évoquent le retour de ce cancer n'utilisent pas le mot antisémitisme au hasard. Jadis, on tentait de se protéger de cette lèpre en utilisant le langage de la raison, mais les vecteurs de cette attitude de haine étaient, bien définis : on était antisémite à droite et la réflexions s'arrêtait là. 

                Le mot et son utilisation ont varié. Par exemple, au travers du conflit israélo-palestinien, c'est une arme brandie contre tous ceux qui s'opposent au sionisme, idéologie active qui ne saurait souffrir la moindre critique. C'est ainsi que le nombre des « antisémites » potentiels n'a cessé de croître depuis la guerre de juin 1967 et l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Peut-être désormais qualifié d'antisémite quiconque dénonce le terrorisme officiel mené par l'Etat d'Israël.

                    Il est quand même nécessaire de garder son calme, et ne pas lancer des anathèmes, même lorsque - malheureusement des synagogues sont détruites dans les banlieues parisienne. En écoutant les mauvais augures, on pourrait croire que la guerre contre les Juifs est de nouveau à l'ordre du jour. Que la moitié de l'humanité veut détruire les Juifs, tandis que l'autre moitié se voile la face pour ne pas voir. Non. Des voix nombreuses se lèvent pour dénoncer Israël et son comportement colonialiste. C'est très différent. Que des Français d'origine arabe vivent mal cette situation n'a rien que de très naturel, mais il est de notre devoir d'expliquer inlassablement que les Juifs ne sont pas nécessaire sionistes et qu'il est plus que stupide de s'attaquer aux lieux de culte de ceux qui croient en une divinité différente. Reste également à vérifier si les intégristes islamistes qui s'attaquent aux synagogues ne sont pas relayés par des groupes d'extrême droite, bien français ceux-là. 

                    Nous savons, de longue expérience, que la situation de parias qui est celle des Palestiniens, depuis 1948, pour les réfugiés de la région qui s'appelle aujourd'hui Israël, n'a jamais ému les humanistes qui pleurent aujourd'hui. Nous connaissons les conditions inhumaines faites aux Palestiniens des territoires occupés depuis le mois de juin 1967. Et puis, comment ignorer que, de tous temps, les Palestiniens ont été considérés comme des sous-hommes dans leur propre pays occupé par les héritiers des rescapés du génocide ? A la limite, pour les Israéliens, les Palestiniens n'existaient même pas, jusqu'à l'Intifada de 1987. 

                    Mais pourquoi parler de la Palestine occupée alors que la menace d'un nouvel antisémitisme se ferait jour en France ? Une telle interrogation feint d'ignorer les liens existant entre les institutions juives de France (CRIF et Consistoire, essentiellement) qui ne représentent guère plus de 25% de ceux des citoyens de ce pays qui revendiquent leur judaïsme et se considèrent peut-être comme des Israéliens de l'arrière. 

                    Depuis décembre 1987 et la révolte des pierres, conduites par les jeunes palestiniens, la société israélienne a pris conscience de l'existence bien réelle d'une population spoliée et opprimée. La répression, avec des centaines de morts, d'innombrables blessés et des milliers de militants emprisonnés dans les pires conditions, exprime la haine d'une société prédatrice envers un peuple, colonisé dans un premier temps et surtout invité à quitter les lieux. Cette guerre faite aux Palestiniens - qui ont osé refuser l'oppression - a tourné, depuis bien longtemps, à des comportements de haine pure et au racisme anti-arabe. 

                    En France, les institutions juives, toujours à l'écoute des événements du Proche Orient, se sont toujours déclarée solidaires de la politique des gouvernement successifs - que la droite ou la « gauche » israélienne soit au pouvoir. Dès lors, la haine des Arabes franchissait la Méditerranée une seconde fois (c'était déjà le cas après 1962, lors de l'arrivée en France des pieds noirs) transformant bien des Juifs communautaires en racistes avérés. L'histoire du génocide des Juifs d'Europe étant convoquée pour mieux illustrer ce rejet. On ne peut oublier, en effet, que lors de la visite de Yasser Arafat à Paris, les 1er et 2 mai 1989, les institutions juives de France clamaient : « Comment la France a-t-elle pu inviter le chef des terroristes palestiniens alors même que nous commémorons la mémoire des déportés juifs ? » 

                    Incroyable. A ce stade, la volonté était de faire porter aux Palestiniens une partie de la responsabilité du génocide des Juifs conduit par les nazis, de 1940 à 1945. Encore plus incroyable, ce type de discours ne manquait pas de faire mouche, d'autant plus qu'une fraction importante des Français sont maladivement racistes face aux Arabes, car la guerre d'Algérie a laissé des traces durables et hideuses au pays des droits de l'homme. Et puis, comment ne pas être solidaires de ces Israéliens qui cassent du « Bougnoule » dans les territoires occupés ? (Ces bons Français sont les dignes héritiers de ceux qui ne sont tus lorsque, de 1941 à 1944, la police de Vichy traquait les Juifs, immigrés de préférence !) 

                    Ces réflexions ne nous éloignent pas du débat actuel. Bien au contraire, elles nous y ramènent. Depuis le 28 septembre 2000, un nouveau conflit a éclaté. Lassés de voir s'enliser les résultats des accords d'Oslo (1993) puis de Washington, les Palestiniens se sont de nouveau révoltés, après la promenade provocation du boucher Ariel Sharon, sur l'esplanade des mosquées, à Jérusalem. Malgré les rencontres au sommet, et les promesses, sur le papier, d'une autonomie élargie, les Israéliens ont poursuivi leur politique de colonisation de la Cisjordanie. Oubliées et enterrées les résolutions de l'ONU de 1967, exigeant d'Israël l'évacuation des territoires occupés. Oubliés le sort des réfugiés de 1948 et de 1967, ces familles qui vivent dans des camps depuis trois générations. Il est donc possible de comprendre les moteurs de cette nouvelle révolte. Simple différence : en décembre 1987, c'étaient les pierres contre les mitrailles, alors qu'en octobre 2000 ce sont les mitraillettes et les pierres contre les chars et les hélicoptères de combat. 

                    Face à cette nouvelle répression de masse, plus de cent morts et trois mille blessés en moins de quinze jours, les institutions juives de France n'ont pas manqué de prendre rapidement position. Le 3 octobre, Jean Kahn, président du Consistoire central israélite n'hésitait pas, appelant à « l'identification avec Israël, sinon nous nous rendons responsables d'un manquement pouvant mener à la fin de l'existence d'Israël ». Il n'y a pas la moindre équivoque dans cette déclaration, qui signifie sans détour que les Arabes palestiniens ont pour projet de détruire Israël et de massacre les Juifs - bien qu'ils affirment le contraire depuis 1989. Ce propos de Jean Kahn ne pouvait qu'appeler à la haine réciproque. Il est bien connu que la haine appelle la haine et l'on a entendu, lors de la manifestation parisienne du 7 octobre des cris tels que « mort aux Juifs » dans un cortège séparé conduit par des islamistes intégristes. Le soir même, des casseurs, dont on peut estimer qu'ils étaient proches des voyous du Bétar (organisation extrémiste juive), brisaient les vitres du siège du MRAP, à Paris, organisations antiraciste où se côtoient, parmi d'autres, des Juifs et des Arabes.

                    Les mots ne sont jamais innocents. C'est d'autant plus évident dans l'affrontement actuel, qui dépasse le conflit israélo/palestinien alors que nous assistons à une tragique montée de l'intégrisme aussi bien au sein du monde musulman que dans le judaïsme. Des actions dommageables pour tous suivent les prises de position irrédentistes. Ainsi, en proclamant leur attachement à Israël, les institutions juives de France se sont désignées comme des alliés objectifs de la police française qui pourchasse les jeunes des banlieues. C'est sans doute un raisonnement simpliste, mais comment parler de cohérence avec une génération d'enfants d'immigrés à qui la société française ne cesse d'indiquer la porte de sortie. 

        Bien sûr, il faut calmer le jeu, et avant tout combattre ce racisme, d'où qu'il vienne. En quelques jours, les dégâts se sont avérés gravissimes car la haine crée des fossés rapidement infranchissables. Ceux qui participent à la logique du rejet de l'autre ne doivent pas s'étonner des dérives qui peuvent s'en suivre... 

 

                    Copyright © Maurice Rajsfus
Publié dans le mensuel No Pasaran !
Novembre 2000. 

2003

Antisémitisme ordinaire au Lycée Montaigne à Paris

Le scandale du lycée Montaigne

Pendant deux mois, un élève juif de 11 ans a été harcelé par deux condisciples musulmans


Deux mois ! Il a fallu presque deux mois à la direction d’un lycée parisien pour réagir aux violences infligées à un gamin de sixième par deux de ses camarades. Cela s’est passé à Montaigne, un vénérable établissement longeant le jardin du Luxembourg, dans un quartier très chic. L’information a été entendue par l’administration, puis si piteusement gérée que l’affaire se solde par un scandale qui éclabousse toute l’institution.
Les faits remontent à la rentrée. Deux élèves de sixième prennent Simon(1) comme souffre-douleur. Il est juif, ils sont d’origine maghrébine. L’un d’eux a redoublé, c’est un costaud, et Simon, à 11 ans, ne pèse que 30 kilos. Tous trois se connaissent depuis l’école primaire. L’enfant se fait chahuter mais les profs ne remarquent rien. Coups. Ecchymoses. Un jour, le père de Simon doit venir chercher son fils au collège parce qu’il ne peut plus marcher. Une autre fois, «on» l’a poussé dans une flaque, et il rentre trempé. «On lui a marché sur les doigts.» L’enfant n’en dit pas davantage. Et le père n’imagine pas les brimades systématiques. Mais, soucieux, il conduit Simon trois fois aux urgences médicales après des incidents. Un des certificats médicaux fait état d’une petite «déchirure musculaire».
De son côté, le pédiatre adresse l’enfant à un psychiatre, qui lui donne un traitement. Car, dès septembre, Simon souffre de dépression. Ce petit garçon «timide, plutôt introverti, extrêmement sensible», selon son père, ne dort plus. Il pleure le soir. Il a perdu l’appétit. Le 11 octobre, c’est un samedi, Simon rencontre son ancienne institutrice, par hasard, avec son père. C’est à elle qu’il avoue: «Deux élèves n’arrêtent pas de me frapper. L’un d’eux m’a traité de sale juif, et ils m’ont dit que tous les juifs avaient été exterminés.» Le père est atterré. L’horreur des camps, où toute la famille de sa femme a péri, resurgit. Il se rend au collège, voit le conseiller principal d’éducation, qui promet des sanctions. Dès le lundi, Simon change de classe. Puis rien ne se passe. Les professeurs qui accueillent Simon ne sont même pas alertés par le proviseur de la gravité des faits.
Jean-Marie Renault, le proviseur, ne rencontre les parents de Simon que dix jours plus tard. Il est, dit-il, à la recherche de «preuves». «Mais que lui fallait-il comme preuves? Les coups étaient avérés», s’insurge le père. A la récréation, les deux coupables, qui n’ont toujours pas été punis, ridiculisent Simon.
Retour des vacances. On est le 3 novembre et rien n’a bougé. Le père de Simon a déjà alerté le numéro vert du Crif, le Conseil représentatif des Institutions juives de France, et s’est rendu au rectorat. Mais l’absence de réaction fait souffler un vent empoisonné sur la FCPE, une des fédérations de parents d’élèves. Certains dénoncent «l’institution qui protège ce genre de violence», « l’antisémitisme rampant», «la haine qui passe à l’acte». «Pourquoi dois-je supplier pour que le règlement s’applique ?», dit le père de l’enfant juif. «Suis-je un citoyen de seconde zone ?» Les rumeurs les plus folles courent sur des pressions que le père d’un des agresseurs, en tant qu’imam, aurait exercées sur le proviseur. En fait, il est professeur de musique.
Tout est allé trop loin pour pouvoir régler l’affaire en interne. Le 21 novembre, Jean-Marie Renault passe la main et saisit le parquet, «au motif que des actes de violence auraient pu être tenus dans l’établissement accompagnés de propos racistes»,
explique-t-il, très pâle, et visiblement fatigué. S’en veut-il d’avoir tardé à réagir ? «A l’époque, les faits paraissaient plus anodins», ajoute-t-il. Et puis le rectorat recommande «la plus grande prudence» étant donné «la jeunesse des protagonistes», et «la malheureuse pratique des insultes à caractère raciste, religieux ou sexuel dans les cours de récréation»…
Il a fallu que la presse entre dans la danse pour que le 3 décembre, en présence de leurs parents, les agresseurs avouent dans le bureau du proviseur et que, le samedi suivant, ce dernier annonce leur passage en conseil de discipline. Retour à la case sanction, avec deux mois de retard.

(1) Le prénom de l’enfant a été changé.


Caroline Brizard
Le Nouvel Observateur
Semaine du jeudi 11 décembre 2003 - n°2040

« Il n'y a pas d'antisémitisme organisé en France »

Voici le point de vue d'Esther Benbassa, professeur à l'Ecole pratique des Hautes Etudes. Elle a publié en 2003 "Les Juifs ont-ils un avenir?" aux éditions Hachette Pluriel.

Déclarations au journal "Le Nouvel Observateur" :
Peut-on, selon vous, vraiment parler d'une recrudescence de l'antisémitisme en France ? S'agit-il d'un mouvement organisé ou d'attaques isolées ?

- Il n'y a pas d'antisémitisme organisé en France. Les pouvoirs publics combattent activement ces agressions et il n'y a pas d'antisémitisme ancré et structuré comme c'était le cas dans les années 30, avec des racines idéologiques. Cet antisémitisme est le fait d'une frange des Maghrébins en France en mal d'identité. Autrefois, ces petits jeunes auraient mis le feu à un commissariat, aujourd'hui ils le mettent à l'école juive ou à la synagogue. Je rentre d'ailleurs du FSE [Forum social européen, ndlr], où
j'ai été prise de panique, quand on parlait des Juifs, on sentait une vraie hostilité venant de certains jeunes. Aujourd'hui pour endiguer ce phénomène, il faut trouver des remèdes et pour cela créer des passerelles entre les différentes communautés. A contrario, la multiplication des écoles communautaristes ne me dit rien de bon. On va dans le sens d'une plus grande méconnaissance de l'autre et d'une radicalisation.

Pourquoi ces jeunes ont-ils importé le conflit israëlo-palestinien en France ? Pourquoi n'a-t-on pas assisté à un phénomène similaire lors de la première Intifada ?

- Le conflit est importé des deux côtés, du côté musulman mais aussi du côté juif. La deuxième Intifada coïncide avec un déficit d'identité de cette jeunesse, pour qui les jeunes qui jettent des pierres ou les kamikazes sont devenus des héros, qui se battent pour sauver l'honneur des jeunes Palestiniens humiliés. Et certains jeunes Maghrébins, à qui leurs parents n'ont pas transmis la culture musulmane et qui ne se sentent pas intégrés dans la société française, s'identifient à ce combat des "opprimés", et
s'affirment comme les frères des Palestiniens. On assiste à un phénomène similaire du côté juif, qui traverse aussi actuellement une crise identitaire, qui commence à perdre ses repères identitaires par rapports aux parents. On peut vraiment parler de nationalisme diasporique, qui n'est relié à aucun Etat.

Pourquoi distingue-t-on autant l'antisémitisme en France par rapport à d'autres formes de racisme ? Existe-t-il vraiment un antisémitisme à la française ?

- Peut-être que cela vient du fait que les Juifs sont mieux intégrés au sein de la société française, et sont présents dans toutes les professions. Ils sont également mieux organisés. Par conséquent, lorsqu'ils sont attaqués ou victimes d'antisémitisme, ils vont plus facilement le faire savoir, porter plainte, alors que d'autres ne vont pas oser, car ils se sentent des sous-citoyens. Donc on va davantage en parler dans les médias. Enfin, la France est marquée par la Shoah et l'idée qu'il ne faut surtout pas oublier et donc lutter contre l'antisémitisme. La société va donc s'offusquer davantage de l'antisémitisme que de l'arabophobie. Je crois en revanche qu'il existe encore un vrai antisémitisme en France, qui n'est plus le fait d'une élite qui a fait son mea culpa. Il s'agit d'un antisémitisme "populaire", encore véhiculé par des idées reçues, des clichés comme Juif=argent=réussite occulte, etc. Et cet antisémitisme peut potentiellement devenir dangereux.

Propos recueillis par Alexandra Guyard (le lundi 17 novembre)
Le Nouvel Observateur, 17 novembre 2003

Et toujours les croix gammées !

En novembre 2003, des agressions racistes ont lieu en 24 heures, contre une mosquée et contre des tombes juives. Dans les deux cas, on retrouve des croix gammées : l'extrême-droite à l'oeuvre...

Nord : inscriptions nazies sur une mosquée

Une mosquée de Dunkerque a été dégradée mardi soir: les vandales ont incendié la porte et inscrit des croix gammées sur les murs du lieu de culte.
Deux croix gammées ont été inscrites sur les murs extérieurs d'une mosquée de Dunkerque (Nord), dont la porte a été "volontairement" incendiée dans la soirée de mardi, a-t-on appris mercredi de source policière.
La salle de prière était vide au moment du sinistre, qui a été rapidement éteint, vers 21h30, avant même l'arrivée des secours, ont précisé les pompiers.
La porte du lieu de culte a été incendiée "volontairement", par une "projection de produit inflammable", a-t-on indiqué au commissariat de Dunkerque.
Selon la même source, les deux croix gammées ont été dessinées à l'envers.
Une enquête a été ouverte et la police cherchait notamment mercredi à déterminer la nature du produit projeté sur la porte. Il ne s'agit vraisemblablement pas d'un jet de cocktail molotov, aucun bris de verre n'ayant été trouvé à proximité, a-t-on précisé.
L'association comorienne "Croissant de l'islam", qui gère la mosquée, a annoncé qu'elle allait "déposer plainte contre X" et le président du CRCM a appelé les fidèles "à être vigilants" et à ne "pas céder au climat de peur que quelques individus essaient d'installer".
« Les relations d'amitié que l'on partage avec les autres communautés, juive et chrétienne, ne doivent pas pâtir de ces violences. Il faut que les lieux de culte, quelle que soit leur confession, soient mieux protégés, ou du moins surveillés, par les forces publiques ».

"Tentative d'intimidation"

Ouverte en 1983 à quelques rues de la mairie, la mosquée Omar Al Farouk accueille entre 150 et 200 personnes, essentiellement des Comoriens, des Algériens, des Marocains et quelques Sénégalais, pour la prière du vendredi.
« En 20 ans d'existence, on n'a jamais eu de problème. Je suis déçu, c'était la soirée de fête de fin du ramadan, une fête de paix. Nous ne savons pas du tout aujourd'hui qui peut être à l'origine de cette violence », a commenté Saïd Toihiri, vice-président de l'association Croissant de l'islam.
Le président du CRCM a demandé à la communauté musulmane du Nord-Pas-de-Calais de « ne pas voir ces actes de violences comme une division entre les communautés qui vivent ensemble et composent la société française », mais comme une "tentative d'intimidation" à laquelle "il ne faut pas céder".
Le Nouvel Observateur,
NOUVELOBS.COM, 26.11.03

Profanations antisémites

Nov 27, 2003


Plusieurs tombes d'un cimetière juif de Marseille ont été recouvertes, dans la nuit de lundi à mardi, d'inscriptions antisémites, de croix gammées et du sigle du mouvement d'extrême droite Ordre nouveau.

"Il y a des croix gammées, des croix de l'Ordre nouveau, des inscriptions SS, White Power, sur 7 à 9 tombes" du cimetière des Trois Lucs, a indiqué le président du Crif de Marseille, Clément Yana, précisant que les tombes n'avaient pas subi d'autres dégradations.

Dans un communiqué transmis à l'AFP, le Crif de Marseille demande « à la force publique de faire tout son possible pour mettre hors d'état de nuire cette minorité raciste dont les agissements rappellent les heures sombres de l'histoire de France ».

Le consistoire israélite de Marseille a porté plainte.


(Dépêche d'agence)

2004

Néonazis en Alsace, deux cibles : les Juifs et les Musulmans

Tombes juives profanées

En 2004, en Alsace,

l'extrême-droite néonazie s'en prend aux Juifs et aux Musulmans :


STRASBOURG, 30 avril 2004 (AFP)
Violences anti-musulmanes à Strasbourg : Juifs et Chrétiens indignés


Les représentants des religions catholique, protestante et juive d'Alsace ont exprimé vendredi leur "indignation" face à une escalade des agressions perpétrées ces dernières semaines contre la communauté musulmane de Strasbourg.

"Les inscriptions racistes dans les immeubles, les incendies répétés visant les mosquées ou des commerces, la profanation de cimetières sont autant de signes d'une escalade extrêmement préoccupante", affirment les représentants des trois religions dans un communiqué, avant de condamner "avec force" ces incidents et de faire part de leur "profonde solidarité" aux autorités du culte musulman en Alsace.

Les incidents et inscriptions à caractère raciste se sont multipliés ces dernières semaines à Strasbourg et dans ses environs : croix gammées et inscription "mort aux Arabes" sur un magasin d'alimentation tenu par un musulman, mosquées dégradées par des croix gammées et des tags racistes, entreprise de pompes funèbres musulmane profanée.

"De tels actes constituent le symptôme d'un malaise plus profond et plus large encore qui doit interpeller tous nos concitoyens", poursuit le communiqué qui ajoute que "toute forme d'antisémitisme ou d'intolérance religieuse ou raciale doit être fermement combattue".

Inscriptions racistes sur l'épicerie tenue par un musulman
Inscription raciste
"mort o arabe" et croix gammée sur l'épicerie tenue par un musulman
Les traces de l'incendie criminel de l'épicerie.
Les traces de l'incendie criminel de l'épicerie.


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Sept agressions racistes contre les musulmans d'Alsace

La communauté appelle à une manifestation ce samedi à Strasbourg.


Par Marine JOBERT

samedi 24 avril 2004 (Liberation - 06:00)

Strasbourg correspondance

«Pour ne pas échauffer les esprits, on n'en parlera pas à la prière», assure le recteur d'une des mosquées de Strasbourg. Mais «l'inquiétude» est là, chez tous les membres de la communauté musulmane alsacienne, trois semaines après le début d'une série de sept agressions non élucidées contre des lieux de culte, des commerces ou des lieux fréquentés par des musulmans. Le conseil régional du culte musulman (CRCM) appelle à un rassemblement ce samedi après-midi à 15 heures, place Kléber à Strasbourg, «pour dire à ceux qui ont commis ces actes que la communauté et l'ensemble des Strasbourgeois ne tolèrent pas leurs idées fascistes et nazies», explique Abdellah Boussouf, vice-président du CRCM.

Au début du mois, cinq pierres tombales d'anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale ­ quatre sépultures musulmanes, une sépulture juive ­ sont profanées par des croix gammées au cimetière militaire de Cronenbourg. Le 15 avril, la mosquée d'Haguenau, essentiellement fréquentées par des Marocains, manque de partir en fumée et deux croix gammées sont retrouvées sur la façade. Dans les jours qui suivent, les seules pompes funèbres musulmanes de la région sont aussi visées par un début d'incendie. Au feutre, sur la façade, encore des croix gammées.

Même scénario le 19 avril à la mosquée la plus fréquentée d'Alsace, nommée Ayyoub Sultan, dans le quartier de la Meinau, où 4 000 fidèles d'origine turque se rassemblent chaque vendredi. Des murs de l'université sont également couverts d'insultes contre la communauté musulmane. Jeudi, des insultes antiarabes et islamophobes ­ «Islam dehors», «Mort aux Arabes» ­ sont retrouvées dans la cage d'escalier d'un immeuble de l'Elsau, avant qu'une épicerie halal, tenue par un Algérien, soit dévastée par un incendie à Koenigshoffen.

Personne n'a été interpellé encore, mais les regards se tournent vers des sympathisants de l'extrême droite, qui a rassemblé un tiers des votants au premier tour des régionales. «On ne veut pas dire que les Alsaciens sont des racistes ou des islamophobes, insiste Abdellah Boussouf. Mais on a cultivé la peur pendant la campagne.» Des représentants des Eglises catholique, protestante, luthérienne, réformée, évangélique, orthodoxe et anglicane ont condamné les agressions, ainsi que la communauté juive.


Tombes profanées

Indignation après la profanation d'un cimetière juif

Photo du cimetière juif profané

Fri April 30, 2004 6:39 PM COLMAR (Haut-Rhin) (Agence Reuters) -

L'annonce de la profanation de 127 tombes du cimetière israélite d'Herrlisheim-près-Colmar (Haut-Rhin), en Alsace, a provoqué l'indignation du monde politique et de la communauté juive.

Les profanations ont visé les tombes anciennes en grès, antérieures à la Révolution française, qui ont été barbouillées à la peinture rouge d'inscriptions à caractère fasciste, nazi et antisémite telles que croix gammées, croix celtiques et sigles SS.

Exprimant son "horreur" et son "émotion" devant des "actes abominables et intolérables", Jacques Chirac a assuré les familles concernées "de la détermination absolue des pouvoirs publics à rechercher, poursuivre et faire condamner sévèrement les auteurs de cette ignominie".

"L'antisémitisme est contraire à toutes nos valeurs, à tous nos principes, à tous les idéaux de la République. J'entends, avec le gouvernement, que des actes aussi indignes de la France soient combattus avec la plus extrême fermeté", déclare le chef de l'Etat dans un communiqué.

Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur ont également exprimé leur indignation dès la découverte, vendredi, de la profanation du cimetière israélite de cette commune située à huit kilomètres au sud de Colmar, alors que l'information parvenait à peine aux médias.

Dominique de Villepin s'est rendu en milieu d'après-midi dans le cimetière d'Herrlisheim situé à l'écart du village et entouré de vignes, pour dire aux membres de la communauté juive présents, devant de nombreux élus de la région, "l'indignation qui est celle de notre communauté nationale".

"La révolte que j'exprime est celle de notre nation toute entière. De tels actes antisémites sont contraires aux principes mêmes de notre démocratie. Ils doivent nous rappeler que notre nation a pour premier devoir le maintien de sa cohésion", a déclaré le ministre de l'Intérieur.

"J'ai demandé à ce que l'enquête soit diligentée dans les meilleurs délais", a-t-il ajouté.

Dominique de Villepin a également demandé au préfet du Haut-Rhin "de faire procéder, en liaison avec le maire de la commune, à la remise en état des sépultures dans les meilleurs délais".

* Un comité interministériel consacré à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme aura lieu lundi après-midi à Matignon. Il avait été prévu avant la profanation du cimetière alsacien.

Un gendarme filme l'inscription "Jeden Raus", viex slogan nazi signifiant "Les Juifs dehors".
Un gendarme filme l'inscription "Jeden Raus", vieux slogan nazi signifiant "Les Juifs dehors".

"LES VIEUX DÉMONS RESSURGISSENT"

Selon le maire d'Herrlisheim, Jean-François Wilhem, deux drapeaux allemands ont été retrouvés. On pouvait y lire le slogan fasciste "Ein Reich, ein Volk, ein Führer" et le nom d'Adolf Hitler. Une inscription "Juden Raus" a été apposée sur le porche du cimetière.

Selon la gendarmerie, la profanation aurait été commise dans la nuit de jeudi à vendredi. C'est un chauffeur routier qui l'a découverte en passant devant le cimetière vendredi matin.

Le président du consistoire israélite du Haut-Rhin, Me Pierre Dreyfus, a rappelé que cet événement survenait à quelques jours de l'anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie.

"Les vieux démons resurgissent et on en a une preuve malheureusement tangible en voyant ce cimetière", a-t-il déclaré à Reuters.

"Le fait de voir 'Juden raus', c'est-à-dire 'les juifs dehors', alors que les Juifs sont une composante évidente de la communauté nationale française et alors que les juifs dans leur ensemble sont des citoyens comme les autres, le fait de voir aussi écrit 'Adolf Hitler', est absolument atterrant", a-t-il ajouté.

Le Premier ministre a écrit au président du Consistoire pour lui exprimer "sa profonde solidarité dans cette douloureuse épreuve".

"Le caractère odieux de ces actes doit susciter une réaction d'indignation collective", déclare Jean-Pierre Raffarin dans un communiqué. "Cette profanation, qui s'inscrit dans une série récente d'agressions contre les cultes juif et musulman, doit être fermement condamnée et sera combattue avec une détermination sans faille".

Le ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, annonce quant à lui avoir personnellement fait part de "son indignation" au président du Conseil des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman.

Un gendarme s'entretient avec un représentatnt des Juifs d'Alsace, dans le cimetière profané
Un gendarme s'entretient avec un représentant des Juifs d'Alsace, dans le cimetière profané.

Le vice-président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, la députée Vert de Paris Martine Billard, la secrétaire nationale du Parti communiste Marie-George Buffet ou encore le président du Front national Jean-Marie Le Pen ont publié des communiqués condamnant cette profanation et demandant que ses auteurs soient identifiés et punis.

Dénonçant un "acte inqualifiable", la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) souligne que "la bête immonde est toujours à l'affût".

"Après avoir été la région ayant le plus massivement voté à l'extrême droite, les citoyens et républicains de la région Alsace doivent se mobiliser massivement contre le retour de l'intolérable", écrit la Licra.


A propos de la profanation du cimetière juif d'Herrlisheim-près-Colmar

Déclaration d'Olivier Besancenot

Presque 14 ans jour pour jour après Carpentras, la profanation de 127 tombes juives du cimetière d'Herrlisheim-près-Colmar soulève horreur et indignation. Après bien d'autres agressions, après de trop nombreuses attaques contre des lieux de culte, elle vient souligner à quel point l'antisémitisme continue à gangrener la société française.
La LCR exprime son entière solidarité avec les familles touchées par cette ignominie et avec la communauté juive d'Alsace.
Cet acte innommable ne peut être séparé de la multiplication des exactions racistes dans notre pays.
D'où qu'ils viennent, sous quelque forme qu'ils se manifestent, le racisme et l'antisémitisme exigent un combat déterminé et de tous les instants.
A l'occasion de ce 1er Mai, fête de la solidarité internationale entre les peuples, la LCR lance un appel solennel à toutes les forces attachées à la démocratie, à la justice et à l'égalité des droits.
Tout démontre aujourd'hui l'urgence d'une très grande mobilisation, nationale et unitaire, contre tous les racismes et contre l'antisémitisme.

Le 01 mai 2004



Tombes profanées le 30 avril 2004

STRASBOURG, 30 avril 2004 (AFP)

Profanation d'un cimetière juif : vive condamnation des musulmans d'Alsace



La profanation de 127 tombes dans le cimetière juif de Herrlisheim (Haut-Rhin) a été condamnée vendredi "avec force" par les musulmans d'Alsace, eux-mêmes victimes de plusieurs incidents et inscriptions racistes dans la région de Strasbourg ces dernières semaines.

"Nous condamnons avec force ces actes inqualifiables qui présentent de fortes similitudes, tant au niveau des slogans que des symboles, avec les récents agissements criminels dont ont été victimes les communautés musulmanes de Strasbourg et sa région", a affirmé le président du Conseil régional du culte musulman, Abdelhaq Nabaoui, dans un communiqué.

Tout en exprimant "sa profonde solidarité avec la communauté juive", M. Nabaoui a souhaité que les auteurs de ces actes soient "rapidement identifiés et condamnés avec la plus grande fermeté".

Des incidents et inscriptions à caractère raciste se sont multipliés ces dernières semaines à Strasbourg et dans ses environs: croix gammées et inscription "mort aux Arabes" sur un magasin d'alimentation tenu par un musulman, mosquées dégradées par des croix gammées et des tags racistes, entreprise de pompes funèbres musulmane profanée.


Quelques jours plus tard, les néo-nazis à Verdun...

Un monument aux soldats juifs de Verdun profané



  STRASBOURG,  7 mai, Agence Reuters
Un monument en hommage aux soldats de religion juive morts au combat à Verdun au cours de la Première Guerre mondiale a été profané dans la nuit de jeudi à vendredi [6 au 7 mai 2004] à Fleury-devant-Douaumont (Meuse), a-t-on appris auprès des gendarmes.

Des croix gammées, des croix celtiques et des inscriptions "SS", "HH" (pour Heil Hitler), ont été tracées à  la peinture noire au bas d'un mur d'environ vingt mètres de long sur cinq mètres de haut, qui porte en son centre les tables de la loi hébraïque, a précisé le sous-préfet de Verdun, Sophie Coutor.

Les enquéteurs ont également relevé l'inscription "14.88", qui, suivant l'usage des néo-nazis reprenant l'ordre des lettres de l'alphabet, signifie AD pour "Adolf" et "HH" pour "Heil Hitler".

Cette profanation intervient une semaine après la découverte d'inscriptions nazies sur 127 tombes juives du cimetière de Herrlisheim, en Alsace.

Le monument de Fleury, en hommage "aux soldats israélites français et étrangers morts pour la France" entre 1914 et 1918, se dresse au coeur du champ de bataille de Verdun où près de 700.000 combattants, français et allemands, ont perdu la vie en 1916 et 1917.

La ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, interrogée sur cette profanation en marge d'une cérémonie aux Invalides pour les combattants de Dien-Bien-Phu, a déclaré que les auteurs de tels actes étaient "des gens qui ne devraient pas pouvoir se regarder dans une glace".

Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens combattants, également interrogé aux Invalides, a promis d'agir "pour mettre fin par tous les moyens à ces profanations".

Dans un communiqué, le ministère délégué aux Anciens combattants condamne "avec la plus grande fermeté les dégradations inqualifiables commises cette nuit à Douaumont à l'encontre du monument à la mémoire des combattants israélites morts pour la France pendant la bataille de Verdun".

Ces "profanations odieuses" suscitent la "très profonde indignation" du ministre délégué et "appellent la réprobation la plus absolue", ajoute-t-il.

RÉACTIONS INDIGNÉES

Le ministère précise qu'Hamlaoui Mekachera a "immédiatement fait porter plainte pour que les coupables soient rapidement retrouvés et punis avec la sévérité qui s'impose".

Dans un communiqué, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée, a dénoncé "un acte antisémite ignoble dont les auteurs doivent être retrouvés et châtiés".

Les profanateurs "ont souillé la mémoire d'hommes courageux qui ont donné leur vie à la France, ils ont défiguré la République", a-t-il ajouté.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a également dénoncé une "insupportable profanation". "Une fois encore, la mémoire des morts est bafouée", dit-il dans un communiqué.

Le Crif "condamne avec force l'escalade de ces manifestations d'antisémitisme aux références nazies". "A présent, ce sont les juifs qui ont combattu pour leur patrie et pour que vive la France que l'on cherche à exclure de la communauté nationale", précise-t-il.

La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) estime que "l'infamie s'ajoute à l'ignominie" et que cette profanation "marque une volonté de sortir, d'exclure les juifs de l'histoire de l'Europe".

"Le temps n'est plus aux vertueuses déclarations d'indignation et d'intention de tous bords", ajoute la Licra qui "invite toutes les associations antiracistes, tous les hommes et femmes de bonne volonté, de toutes origines, de toutes confessions, au-delà de leur appartenance politique, à se rassembler autour de ce combat".


Quelques jours plus tard et c'est un cimetière militaire musulman qui est la cible des néonazis :

Nouvelle profanation antimusulmane en Alsace

Thu June 24, 2004 2:07 PM CEST

HAGUENAU (Reuters) - Quarante-huit tombes musulmanes du cimetière militaire de Haguenau (Bas-Rhin) ont été recouvertes de graffitis et sept stèles ont été brisées, ont annoncé les ministères de l'Intérieur et de la Défense.

Les tombes ont été recouvertes de croix gammées et de sigles "SS", a constaté Reuters.

Le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, a exprimé dans un communiqué son "indignation à l'égard de cette nouvelle manifestation de haine, particulièrement insupportable s'agissant de soldats qui se sont engagés jusqu'au sacrifice suprême pour la liberté de la France".

La ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, et Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux Anciens combattants, ont également condamné "avec la plus grande fermeté" ces "profanations odieuses".

"Ces actes inqualifiables et leurs auteurs, qui auront à répondre devant la justice, suscitent une profonde indignation et appellent la réprobation la plus absolue", ajoutent-ils dans un communiqué.

La nécropole nationale de Haguenau abrite plusieurs centaines de militaires morts durant les deux guerres mondiales.

Une dizaine de cimetières et de lieux de culte musulmans mais aussi juifs et chrétiens ont fait l'objet de profanations similaires depuis le mois d'avril en Alsace.

Profanation des tombes musulmanes du cimetière militaire d'Haguenau

Premières arrestations : des skinheads interpellés

STRASBOURG (AP) - Les auteurs présumés de la profanation du Mémorial juif de Douaumont (Meuse), érigé à la mémoire des combattants juifs morts pendant la bataille de Verdun, ont été interpellés mercredi [28 juillet 2004]. Les suspects, qui ont avoué les faits, seront présentés jeudi à un juge, selon la préfecture.
Ces interpellations surviennent alors que 32 tombes ont été retrouvées mercredi profanées à la bombe de peinture rouge et bleue dans le cimetière juif de Saverne (Bas-Rhin). C'est une personne venue se recueillir dans la matinée sur la sépulture d'un membre de sa famille qui a découvert les inscriptions. Plusieurs tombes étaient recouvertes de croix celtiques et de sigles sataniques tels que «666», a-t-on appris de source judiciaire. Plusieurs autres ont été souillées de croix gammées tracées à l'envers.

Premières condamnations


RACISME

Profanation antisémite : un an ferme


NOUVELOBS.COM,  09.11.04, 15:06

Mathieu Massé, 22 ans, a été reconnu coupable de la profanation du Mémorial des combattants israélites de Douaumont en mai dernier.

Le tribunal correctionnel de Verdun (Meuse) a condamné lundi 8 novembre à deux ans de prison dont un ferme et mise à l'épreuve pendant trois ans Mathieu Massé, 22 ans, poursuivi pour profanation du Mémorial des combattants israélites de Douaumont (Meuse) au cours de la nuit du 6 au 7 mai dernier.
Il a été reconnu coupable de "dégradations volontaires en réunion de biens d'utilité publique et profanation en réunion de monument édifié à la mémoire des morts commise en raison de l'appartenance raciale ou religieuse des personnes décédées".
Il a l'obligation d'indemniser ses victimes, les associations qui gèrent la stèle. En outre, il est privé des droits civils, civiques et de famille durant cinq ans.

Bêtise

Le tribunal a ordonné son maintien en détention, le jeune homme étant écroué depuis la fin du mois de juillet. Son complice présumé, Emmanuel, 17 ans, sera jugé à huis clos le 10 novembre devant la juridiction pour mineurs.
Mathieu Massé risquait cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. Aucune amende n'a été requise contre lui. Au mois de mai, le président de la République Jacques Chirac avait déclaré que cette profanation était "une véritable blessure nationale et une offense à la nation".
L'avocat de Mathieu Massé, David Laumont, a plaidé la bêtise plus que le sentiment antisémite.


Mais les menaces néo-nazies demeurent : le journal L'Humanité pris à partie

Accueil Sur le site de TV5 :

L'Humanité reçoit une lettre de menaces après l'incendie de ses locaux

PARIS (AFP) - 08/11/2004 17h43 - La direction de l'Humanité a reçu lundi une lettre de menaces faisant le lien entre l'incendie dont le journal a été victime vendredi et sa dénonciation de la profanation de tombes juives en Alsace.

Dans un message dactylographié signé d'une croix gammée, les auteurs des menaces présentent l'incendie du 29 octobre comme "un premier avertissement".

"Suite à la parution de plusieurs articles dans votre journal communiste concernant la profanation de tombes juives dans le département de l'Alsace, nous ne pouvons laisser dire des mensonges par votre titre. Notre combat pour la purification ethnique est une cause noble. (...) L'incendie de vendredi soir n'était qu'un feu de paille et un premier avertissement", indique le texte.

"Si vous persistez dans votre volonté de nous nuire, nous serons amenés à prendre des mesures beaucoup plus radicales", ajoutent les auteurs de ce texte d'une quinzaine de lignes en prétendant tout faire pour "nuire à toute personne qui ne serait pas de race française au sein de votre journal".

Ils concluent en écrivant que "d'ici la fin de l'année, votre journal sera parti en fumée au propre comme au figuré".

Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité, a jugé ces menaces "inquiétantes" pour son journal qui est "dans une période difficile", dans une déclaration à l'AFP. "Elles sont inquiétantes également parce qu'elles constituent clairement une menace contre la liberté d'expression des journalistes et des journaux et qu'elles font explicitement référence à la purification ethnique", a-t-il ajouté.

"Ce texte rappelle des propos d'un autre âge", a-t-il ajouté en soulignant que c'était la première fois que l'Humanité recevait ce genre de menaces racistes.

Finalement, l'auteur présumé des profanations d'Herlisheim est arrêté :

c'est un militant du Front National.


Un militant FN en examen pour la profanation d'Herrlisheim

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mercredi 15 décembre 2004 (Reuters - 19:57)
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COLMAR - Un homme de 24 ans, militant du Front national, a été mis en examen mercredi à Colmar (Haut-Rhin) pour la profanation, dans la nuit du 29 au 30 avril 2004, du cimetière juif de Herrlisheim-près-Colmar, a annoncé mercredi le procureur de la République, Pascal Schultz.

Ce bûcheron, originaire de la région de Mulhouse où il réside, a été placé en détention provisoire.

"A la suite de travaux fastidieux, il a pu être établi, notamment par des expertises comparatives répétées d'écriture que (des charges importantes pèsent sur) la personne qui vient d'être déférée devant le juge d'instruction", a déclaré Pascal Schultz lors d'une conférence de presse.

"Cette personne appartient au Front National", a-t-il ajouté en précisant que l'individu, dont il n'a pas voulu dévoiler l'identité, était jusqu'ici inconnu de la justice et niait les faits.

"Quelques autres éléments" que les expertises graphologiques permettent de le mettre en cause, a pourtant souligné le magistrat.

Cent-vingt-sept tombes du cimetière israélite d'Herrlisheim, situé dans la campagne à l'écart du village, avaient été retrouvées maculées de croix gammées et de slogans nazis et antisémites comme "Juden raus" (Juifs dehors) tracés à la peinture rouge.

"LA PANOPLIE HABITUELLE"

L'affaire, qui avait profondément choqué la communauté juive alsacienne, avait justifié le déplacement du ministre de l'Education, François Fillon, et de hauts représentants des cultes juif, chrétiens et musulman pour une cérémonie oecuménique.

Interpellé mardi, le militant du Front National a été mis en examen par le juge Pierre Wagner pour "profanation de stèles funéraires, provocation à la haine raciale et dégradation de biens d'utilité publique". Il risque trois ans de prison.

Des écrits et des emblèmes nazis ont été retrouvés au domicile de ce jeune homme qui vit chez ses parents. "La panoplie habituelle", selon le colonel Dominique Van Marck, commandant du groupement de gendarmerie du Haut-Rhin.

"Les faits ne lui sont pas imputables à lui seul. Cela est certain puisqu'il y a plusieurs scripteurs selon les experts", a précisé Pascal Schultz qui a indiqué que "d'autres personnes" restaient à interpeller.

L'enquête a permis de déterminer que ce groupe était également l'auteur des inscriptions nazies retrouvées dans les mois qui ont suivi en quatre ou cinq lieux du département avec une prédilection pour les ponts et glissières de sortie d'autoroute.

Il n'y aurait pas de lien en revanche avec d'autres profanations de cimetières israélites alsaciens commises en août à Saverne (Bas-Rhin) ou fin octobre à Brumath (Bas-Rhin).

Une quinzaine de gendarmes sont mobilisés depuis six mois pour tenter de retrouver les profanateurs de Herrlisheim.

Partant dans un premier temps "tous azimuts", selon les gendarmes, l'enquête s'est resserrée autour des milieux d'extrême droite.

Des pages d'écriture ont été demandées à "plusieurs dizaines de personnes" et expertisées avant que l'une d'elle conduise à la mise en examen de son auteur.

"Cette enquête a nécessité d'innombrables heures de travail. Jamais nous ne sommes autant investis dans une affaire que dans celle-ci", a souligné le procureur, précisant que la mise en examen de mercredi n'était qu'une "étape".


LIBÉRATION, 15 décembre 2004


Pour prendre un peu de distance, voici les réflexions d'Esther Benbassa, intellectuelle juive, professeur à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes.

Logo du Nouvel ObservateurL'obsession de l'antisémitisme


La judéophobie appelle sans doute aujourd’hui ceux qui la combattent à un devoir de vigilance. Mais cela doit les conduire aussi à résister au terrorisme intellectuel.

Par Esther Benbassa

Jusqu’à récemment le mot d’ordre était «devoir de mémoire». Aujourd’hui, c’est le «devoir de vigilance» contre l’antisémitisme qui semble s’imposer. Si le premier était naturellement prôné par les victimes du génocide et par leurs descendants, en majorité ashkénazes, le second semble davantage porté, quoique non exclusivement, par les juifs originaires d’Afrique du Nord. Faute d’un vrai travail de mémoire sur leur l’exil, lequel s’est trouvé dès lors insuffisamment reconnu comme expérience fondatrice d’un groupe qui a vécu ses propres épreuves, et après avoir partagé par solidarité et par procuration le «devoir de mémoire» de leurs frères ashkénazes, ceux-ci sont désormais sortis du silence pour assumer pleinement et parfois rageusement un urgent «devoir de vigilance».

- Dans leur grande majorité, les livres sur l’antisémitisme parus en France depuis la seconde Intifada sont dus à la plume de ces exilés ou de leurs enfants. Tous pensent ainsi éviter le piège où sont tombés les israélites et les immigrés ashkénazes de l’entre-deux-guerres, à qui ils reprochent - peut-être à tort - de n’avoir pas été assez vigilants face au danger. Cet activisme face aux hostilités antijuives dont la France est actuellement le théâtre n’a qu’un objectif en soi honorable: empêcher que ne se répète ce qui a été vécu par les juifs pendant la Seconde Guerre. Reste qu’il se manifeste de manière le plus souvent anarchique, et que s’il est suscité par la peur, il entretient à son tour une vraie paranoïa. Il est devenu aujourd’hui contre-productif et échappe au contrôle de ses initiateurs, lesquels n’avaient probablement pas prévu de tels excès, ni mesuré à quel point cette peur, se greffant sur des traumatismes profonds, la Shoah ou l’exil, pouvait devenir explosive.
Même s’il n’est relayé dans ses formes extrêmes que par une minorité, ce militantisme de la vigilance peut, hélas, se retourner contre les juifs dans leur ensemble, et creuser un peu plus le fossé entre la France et ses citoyens juifs, ces derniers tentés par réaction de cultiver des attitudes d’autodéfense réelle ou imaginaire, dont la principale et la plus spontanée est le repli sur le groupe et la culture de l’entre-soi. Alors même qu’en 2002 seules 2 035 personnes sont effectivement parties pour Israël, l’idée se répand dans certaines franges de la population juive du caractère désormais provisoire de leur séjour en France. Serge Klarsfeld n’allait-il pas jusqu’à dire, dans «le Monde» du 7 janvier, que « la France n’a pas particulièrement besoin des juifs, pas plus que les juifs n’ont besoin de la France»? J’ignore si la France peut se passer des juifs, je sais seulement que les juifs ont besoin de la France, parce qu’ils sont français, et que le soutien inconditionnel de certains à Israël ne les empêche pas de se considérer pleinement français.
Que la résurrection d’un antisémitisme qu’on avait cru disparu suscite désenchantement et colère, on le comprend. Mais pas cet acharnement à traquer derrière chaque mot, chaque geste, derrière chaque critique de la politique israélienne un arrière-fond antisémite. Nous entrons là dans la phase dangereuse de l’intimidation. Une intimidation dont les cibles sont aussi bien la presse, les responsables politiques que les intellectuels. Élisabeth Schemla se félicitait récemment sur son site web de la naissance d’un vrai «lobby juif», capable de se faire entendre des pouvoirs publics. Voilà qui donnera des idées aux antisémites (au cas où ils en manqueraient), ou en créera d’autres.

- A supposer qu’il y ait un lobby pro-israélien, où se retrouvent des juifs et des non-juifs, l’idée de «lobby juif» tient en revanche plus du mirage que de la réalité tant les juifs de France et même leurs institutions sont divisés. Là où l’on croit qu’il y a lobby, il n’y a souvent que désorganisation et des masses excitables à tout moment et qu’on a longtemps manipulées. Alors même que le Crif de Nice réussissait à faire interdire le 19 février dernier, dans la banlieue «sensible» de la ville, deux des trois conférences-débats de Leïla Shahid, représentante de l’Autorité palestinienne en France, sur la situation au Proche-Orient, un haut responsable du Crif à Paris déclarait il y a peu à l’AFP qu’il « refuse la censure et la violence et veut en rester au débat d’idées»… De fait, forte d’une autorité morale que nul ne lui conteste, même lorsqu’on ne partage pas toutes ses idées, dans sa tournée des villes françaises, Leïla Shahid dénonce justement aussi toute velléité de s’en prendre aux Français juifs.
Dans un autre registre, après Tariq Ramadan devenu héros martyr pour un article contestable, c’est le tour de Dieudonné, dont les propos sont certes indignes mais à qui l’on fait décidément trop d’honneur, de porter cette couronne. Dans les deux cas, on n’a pas su s’arrêter à temps. Et désormais, non seulement tout non-juif est soupçonnable d’antisémitisme, mais on s’en prend aussi à ces prétendus «mauvais» juifs, dont le seul tort est bien souvent de ne pas adhérer à la politique d’Ariel Sharon. On les boycotte, on les éreinte, on les insulte, on leur intente des procès comme encore récemment à Edgar Morin. «Le Nouvel Observateur», si longtemps harcelé, est bien placé pour en juger. On les accuse d’avoir la haine de soi et, pis encore, de créer de l’antisémitisme. Ce que ferait, nous dit-on, Eyal Sivan dans «Route 181», documentaire réalisé avec Michel Khleifi. Le film n’est pas à l’abri de la critique, et l’on peut en désapprouver le ton, le fil conducteur, telle ou telle séquence. Mais de là à intervenir pour en faire annuler une des deux projections au Centre Pompidou, il y avait une marge. Céder u
ne fois aux pressions, sous le prétexte fallacieux de «risques de trouble à l’ordre public», n’est-ce pas se condamner à céder encore?
De telles pratiques sont d’autant plus inadmissibles qu’elles émanent des rangs d’un peuple qui a subi plus que sa part d’autodafés, de censures, d’interdictions. Au lieu de débattre, on choisit d’interdire, et cela au nom d’un sionisme devenu une sorte de vague identité de substitution dans des milieux par ailleurs souvent bien ignorants du judaïsme, des réalités israéliennes, et même du sionisme. C’est dans ce vide qu’enfle la nouvelle fureur de la lutte contre l’antisémitisme. Et c’est dans un vide similaire que germe l’antisémitisme arabo-musulman.

- Cette fureur contraint aussi nombre d’entre nous, intellectuels juifs, à l’autocensure. Chaque mot doit être pesé, chaque parole doit viser à conforter les idées reçues. Nous, hier citoyens du monde, nous voici chaque jour plus prisonniers d’un nationalisme étroit qui dessert la cause d’Israël aussi bien que celle des juifs de la diaspora. S’il persiste, notre terrorisme intellectuel se retournera contre nous et nous asphyxiera nous-mêmes. Il y a certainement mieux à faire – promouvoir concrètement le dialogue, œuvrer sur le terrain à la connaissance mutuelle – pour stopper une montée des haines qui hypothèque l’avenir de tous.
Dans une revue de presse en date du 8 mars, le Crif constatait, tout en semblant la déplorer, cette stratégie systématique d’annulation forcée de réunions publiques par laquelle «certains courants» cherchent à empêcher «l’expression d’opinions qu’ils ne partagent pas sur le conflit au Proche-Orient». Et son directeur général, reprenant les propos de Jean Daniel, déclarait dans «Marianne» que «ce n’est pas en interdisant que l’on résout quoi que ce soit». Le président du Crif lui-même, dans une tribune parue le 23 mars dans «Libération», proclamait l’opposition de son institution «à toute forme de censure». Heure de vérité ou paroles en l’air?    E.B.

Le Nouvel Observateur, n°2059, semaine du jeudi 22 avril 2004

Esther Benbassa est directrice d’études à l’Ecole pratique des Hautes Etudes, titulaire de la chaire d’histoire du judaïsme moderne. Dernier ouvrage paru: «la République face à ses minorités. Les juifs hier, les musulmans aujourd’hui», Mille et Une Nuits, 2004.




XÉNOPHOBIE Enquête administrative ouverte
Un professeur de Lorient suspendu pour injures racistes

Cécilia Gabizon
[20 janvier 2005]

C'est un professeur de physique suspecté de n'aimer que les Français de souche au nom lisse. Il y a dix jours, sa petite haine se serait abattue sur une élève juive de sa classe de seconde du lycée Dupuy-de-Lôme, à Lorient. Il l'insulte alors, la traite de sale Juive, racontent des témoins. Ce n'est pas la première fois qu'il vomit sa rancoeur contre ceux qu'il perçoit, semble-t-il, comme des envahisseurs. Mais, cette fois, la famille de l'adolescente prise pour cible décide de réagir. Elle avertit le proviseur et porte plainte. Depuis, le chef d'établissement a ouvert une enquête administrative et les langues commencent à se délier, accusant l'enseignant de délires xénophobes et racistes.


Le proviseur, lui, découvre la situation, car il vient d'arriver dans cet établissement de centre-ville qui brasse sans souci près de 2 100 élèves. La jeune fille raconte les injures, tandis que trois de ses camarades, dont une d'origine russe, confirment ses dires et content leurs propres humiliations. Relevant le nom slave, l'enseignant s'était lancé dans une diatribe provocatrice, préconisant comme à son habitude un «retour dans leur pays» pour tous ces adolescents qu'il considère d'abord comme des étrangers. Sommé de s'expliquer, le professeur de physique a cependant nié avoir proféré des injures racistes : «Je ne vois pas à quoi vous faites allusion, aurait-il protesté, car je fais justement attention à leur parler comme à des Français !» Une défense pour le moins maladroite...


Le proviseur, Alain Collas, a alors prévenu le rectorat et signalé l'affaire au procureur de la République. La réaction n'a guère tardé : le professeur a fait immédiatement l'objet d'une mesure conservatoire de suspension et devrait être frappé d'une sanction disciplinaire, selon le cabinet du recteur.


Présent depuis sept ans dans l'établissement après un passage dans le Nord, l'enseignant, âgé de 58 ans, professait, selon certains de ses collègues, une idéologie raciste, spécialement hostile aux Juifs et aux Arabes. Son dossier est pourtant blanc comme neige, vide de tout fâcheux antécédent. Aucune plainte n'a jamais été déposée contre lui par le passé. «Peut-être certains ont-ils préféré fermer les yeux ?» s'interroge l'administration.


Le silence, il est vrai, a longtemps été de mise dans l'Education nationale, où les élèves n'auraient jamais osé dénoncer un professeur, par crainte de représailles. Et l'institution elle-même avait tendance à étouffer les affaires pour éviter le scandale. «Nous avons compris qu'il faut faire l'inverse, assure Alain Collas, c'est-à-dire agir aussi vite que possible pour éviter que la vie et la réputation de l'établissement ne soient gâchées.»


Le Figaro, 20 janvier 2005

Bibliographie :

Lire en particulier : Olivier Guland, Le Pen, Mégret et les Juifs, L'obsession du "complot mondialiste", La Découverte, 2000.
Esther Benbassa, La République face à ses minorités. Les juifs hier, les musulmans aujourd’hui, Mille et Une Nuits, 2004.

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