Céline Barbier, lycéenne du Lycée Ambroise Paré de Laval (53) demande : « J'aimerais savoir si dans les dix dernières années il s'est produit des exemples d'antisémitisme dans le monde mais plus particulièrement en France. Car on parle surtout de l'antisémitisme pendant la guerre de 1939-1945 (Hitler et gouvernement de Vichy) mais on ne parle jamais de cette forme de racisme dans le monde d'aujourd'hui. »
J'ai classé les événements les plus significatifs dans l'ordre chronologique :
Voici quelques éléments pour juger de l'antisémitisme en France, avec aussi quelques faits ailleurs, en Europe.
Statistiques en France. Agressions antisémites : de 1980 à 1992 : 317 (dont 288 de l'extrême droite, 24 liées au terrorisme international, 5 d'Action directe) ; 1 669 menaces ou actions injurieuses. Statistiques de l'antisémitisme en France, selon le QUID
Attentats : 1978 : 15 ; 79 : 25 ; 80 : 75 ; 81 : 26 ; 82 : 34 ; 83 : 21 ; 84 : 15 ; 85 : 11 ; 86 : 2 ; 87 : 13 ; 88 : 17 ; 89 : 18 ; 90 : 20 ; 91 : 40 ; 92 : 80.
Profanations de cimetières : 1987-89 : 6. 1990-9-5 : Carpentras (élucidée en 1996). 1992-30-8 Herrlisheim (Ht-Rhin) ; -12/13-9 Lyon. 1993-10-6 Haut-Vernet (Pyr.-Or.) ; de synagogues [exemples : 1992-31-12 : Villepinte, Bischeim (banlieue de Strasbourg)]. Victimes : 1988-92 : 12 † (11 de terrorisme), 151 blessés.
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Inscriptions antisémites
sur la boutique d'un bijoutier juif,
en France, dans les années 80.
Profanation de la stèle à la mémoire des enfants d'Izieu,
arrêtés par Klaus Barbie et déportés à Auschwitz
Article de presse rendant compte de la profanation
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Le leader d'extrême-droite, Jean-Marie Le Pen, est connu en France pour se "dérapages" antisémites pour lesquels il fut souvent condamné par la Justice. Un article du journal Le Monde du 2-3 mars 1997 revient sur une affirmation scandaleuse du chef fasciste, qui affirme que le président de la République serait "aux mains des Juifs".
Cette idéologie d'extrême-droite influence des jeunes paumés comme ces skinheads qui ont profané le cimetière juif de Carpentras. Les auteurs de cette profanation seront arrêtés et jugés en 1997.
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L'Humanité du mardi 18 mars 1997
insiste sur les rapports entre les profanateurs et l'extrême-droite.
L'Humanité du Jeudi 20 mars 1997.
Sur la photo,
Fodé Sylla, président de SOS-Racisme
avec Madeleine Germon,
victime de la profanation
puisque le corps de son mari
a été déterré par les profanateurs..
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France-Soir du 25 avril 1997
annonce le verdict.
Les organisations de défense des droits de l'Homme recensent régulièrement les dérapages racistes dans les différents pays européens et en font la liste. Parmi eux, des incidents antisémites :
ALLEMAGNE 28 juillet. 7 femmes et 3 hommes, âgés de 24 à 50 ans, originaires de l'ex-Union soviétique (Ukraine, Azerbaïdjan et Russie), blessés par l'explosion d'une bombe, près d'une station de chemin de fer urbain, à l'ouest de Düsseldorf. Sept d'entre eux sont juifs. L'attentat, relève "Le Monde, "a choqué les esprits" et provoque la mobilisation du gouvernement allemand "contre la xénophobie".
Jusqu'à l'attentat, note le journal, "les actes isolés de violence raciste (passages à tabac, violations de sépultures juives, incendies criminels) s'égrenaient avec régularité sans éveiller de débat. Depuis l'apogée de 1992, quand huit personnes, dont des fillettes turques, étaient mortes brûlées dans des attentats contre des foyers d'étrangers, les douloureuses interrogations au regard de l'histoire allemande avaient peu à peu cessé".
En mai dernier, le président de la République, le social-démocrate Johannes Raus, avait dénoncé "une intolérance agressive contre les étrangers". A la mi-juillet, le président du Conseil central des juifs, Paul Spiegel, s'inquiétait de la recrudescence des actes xénophobes. "Je n'aurais pas cru possible que, cinquante-cinq ans après l'Holocauste, nous entendions parler chaque jour de nouvelles attaques racistes, ni que des jeunes de quatorze ou quinze ans ne sachent plus ce que signifie Auschwitz".
9 août. Selon un sondage publié par l'hebdomadaire allemand Die Zeit, les deux tiers des Allemands de 14 à 17 ans ignorent tout de l'Holocauste et seulement 40% d'entre eux savent qu'Auschwitz, Dachau et Treblinka furent des camps de concentration.
7 août. Les dirigeants du Conseil central des juifs et le porte-parole du gouvernement allemand lancent un "pacte" contre l'extrême droite pour mobiliser les citoyens. Sous le mot d'ordre "Affichez les couleurs", cette initiative entend fédérer "la résistance des démocrates" face aux violences xénophobes et à l' antisémitisme dans le pays.
18 août. Le chancelier Gerhard Schröder appelle "l'Etat et la société" à combattre avec "la plus grande détermination" la violence d'extrême droite en Allemagne, en particulier dans les Länder de l'ex-RDA.
"Nous ne pouvons admettre que, dans notre pays, des gens soient insultés dans la rue, frappés, voire assassinés à cause de leur langue, de leur religion ou de la couleur de leur peau". "Il nous faut, Etat et société, réagir d'une façon très claire et avec la plus grande détermination".30 août. La justice allemande rend un jugement sévère contre trois jeunes skinheads coupables d'avoir frappé à mort un père de famille mozambicain à Dessau, à l'est du pays (ex-RDA). Le plus âgé, Enrico Hilprecht, 24 ans, a été condamné à perpétuité, les deux autres, mineurs, à neuf ans de prison par le tribunal de Halle. Le jugement intervient alors que l'Allemagne tente de réagir contre la violence xénophobe et les agissements de groupes néonazis.
4 octobre, Düsseldorf. Le chancelier Gerhard Schroeder appelle à "un soulèvement des gens bien" contre le racisme et l'antisémitisme , alors que l'Allemagne politique est en émoi après un incendie criminel perpétré contre une synagogue à Düsseldorf, le deuxième en six mois. "L'écrasante majorité des Allemands ne peut laisser une minorité détruire l'image du pays".
Au président du Conseil central des juifs en Allemagne, Paul Spiegel, qui s'interrogeait sur la pertinence
pour les juifs de revivre en Allemagne ("Nous voulons entendre, voir et sentir que ça ne continuera pas ainsi"), le ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, répond: "Nous voulons que les juifs puissent vivre en Allemagne librement et en toute sécurité . Nous voulons que les communautés juives continuent de grandir en Allemagne".
Ne comptant encore qu'environ 30.000 personnes dans les années 1980, la communauté juive en Allemagne regroupe aujourd'hui quelque 85.000 membres, grâce notamment à l'arrivée de juifs venant de l'ex-URSS.9 octobre, Berlin. Otto Schily, ministre allemand de l'intérieur, estime "suffisantes" les preuves permettant de déposer une demande d'interdiction du parti national-démocrate (NPD) auprès de la Cour constitutionnelle. Classé néo-nazi par les services de renseignements allemands, le NPD compte quelque 6'000 membres.
27-28 octobre. A Rostock, le 27, des skinheads attaquent trois jeunes adolescents de 10, 14 et 16 ans, Sur le corps nu du plus petit, ils ont écrit: ”Je vis pour l’Allemagne” et dessiné une croix gammée. Le 28, à Himbergen (nord du pays), une vingtaine de skinheads s’en prennent à une famille turque aux cris de ”Sieg Hitler” et ”cochons d’étrangers”.
Le même jour, à Düsseldorf, 25.000 personnes manifestent contre l’extrême droite, à l’appel des partis politiques, des Eglises, des syndicats et de diverses associations. Deux tiers des Allemands sont favorables à l’interdiction des trois partis d’extrême droite, le Parti néo nazi NPD, les Republikaner et l’Union du peuple allemand (DVU), selon un sondage de l’institut Dimap.
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Profanation d'un cimetière juif en Allemagne du Sud, octobre 2000
9 novembre, Berlin. L’appel à ”la révolte des honnêtes gens”, lancé en octobre par le chancelier Gerhard Schröder, au lendemain de l’attentat contre la synagogue de Düsseldorf, a été entendu: quelques 200’000 Berlinois manifestent contre l’extrême droite.
FRANCE
16 juillet, Paris. Première journée nationale à la "mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l'Etat français" pendant la dernière guerre et d'hommage aux "Justes" de France - jour anniversaire de la grande rafle des juifs parisiens, le 16 juillet 1942, parqués au vélodrome d'hiver avant d'être déportés vers les camps d'extermination. Jean-Luc Mélenchon, ministre, déclare au nom du gouvernement français : "Des fanatiques ont pensé et voulu ce crime, une masse de prudents zélés et d'indifférents actifs, réunis dans la même lâcheté, l'ont organisé et réalisé". Il a ajouté que "tous sont coupables et tous sont français, pour notre honte".
21 août. Le maire de Strasbourg, Catherine Trautmann, dépose plainte pour "dégradation volontaire par inscription à caractère raciste et antisémite", après la découverte de l'inscription en lettres noires "Le Roy, Sale juif", assortie d'une croix gammée, sur les murs du stade du Racing Club de Strasbourg. Le club de football, qui avait déjà saisi la justice à la suite d'insultes proférées contre l'entraîneur Claude Le Roy et les joueurs noirs de l'équipe, a lui aussi porté plainte "pour incitation à la haine raciale".
12 octobre. "Les actes antisémites se multiplient en France sur fond de crise au Proche-Orient", titre le quotidien "Libération". Plusieurs synagogues ont été la cible d'engins incendiaires et des bâtiments ont été couverts d'inscriptions antisémites.
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La synagogue de Bondy, octobre 2000Le 10 octobre, la synagogue de Trappes (Yvelines) a été en partie détruite par un incendie d'origine criminelle. De semblables attentats ont eu lieu contre des synagogues aux Ulis (Essonne), à Creil (Oise), à Lyon, à Villepinte et Clichy-sous-Bois (Seine St-Denis), dans la banlieue de Strasbourg ainsi qu'à Paris. A Paris, le 11 octobre, un commando du GUD, groupe d'extrême droite, a investi l'Université d'Assas, brûlé un drapeau israélien et laissé des tracts. "Sionistes, hors des facs. A Paris comme à Gaza, Intifada".
Le Président français Jacques Chirac a condamné les "manifestations d'intolérance" et d'antisémitisme dans le pays. "Elles sont [...] inacceptables dans notre démocratie. Elles mettent en cause de façon inadmissible les valeurs et les traditions de la République française".
14 octobre, Biarritz. Au sommet de l’Union européenne, Jacques Chirac dénonce ”des paroles, des comportements indignes et des actes inacceptables” commis contre la communauté juive et appelle ”au dialogue et à la tolérance”.
15 octobre. Trois synagogues de la banlieue parisienne à Bagnolet, à Noisy-le-Sec (Seine-St-Denis) et à Chevilly-Larue (Val-de-Marne) sont la cibles d’engins incendiaires. Le 16, une voiture-bélier défonce la façade de la synagogue des Minguettes, à Vénissieux (Rhône). A Strasbourg, une boulangerie dont la devanture portait l’inscription ”Juifs assassins”, ainsi qu’un slogan pro-Hezbollah, est incendiée.
NATION rom / Tsiganes
28 juillet. Les Tsiganes réunis en "congrès mondial" à Prague réclament la reconnaissance de la "nation rom" - rom signifie une "personne" dans la langue indo-européenne du même nom. Pour le Tchèque Emil Scuka, président de l'Union rom internationale (URI), les quelque 15 millions de Tsiganes – dont 8 millions environ en Europe – méritent mieux que l'étiquette de groupe "minoritaire ou ethnique" qui leur est accolée ici et là. "L'Onu doit commencer à respecter le préambule de sa Charte, selon lequel toutes les nations sont "égales". Nous voulons être les premiers à demander un tel droit en tant que nation, et non en tant qu'Etat" ("Le Monde", 30-31.07.2000).
Le congrès a par ailleurs réclamé réparation pour les 500.000 tsiganes qui ont péri pendant l'Holocauste nazi.4 décembre, Rome. Les quelque 2 millions de Roms vivant dans l’Union européenne ont ”droit à la citoyenneté européennes”, estime Emil Scuka, président de l’Union internationale des roms (IRU). Le leader de la principale organisation tsigane au monde a remis au président du Conseil italien, Giulano Amato, une déclaration solennelle d’une ”nation rom transnationale” permettant aux roms de ”vivre comme et avec les autres Européens”. ”Nous n’exerçons pas de revendications nationalistes ou séparatiste”, a-t-il ajouté en rappelant que les ”préjugés” et les discriminations” à l’encontre des roms n'avaient pas disparu en Europe.
SUISSE
19 septembre, Berne. La Police fédérale suisse publie un rapport "sur les milieux skinheads en Suisse".
Le rapport, qui s'attache à étudier les comportements et actions du "noyau dur" des extrémistes suisses (700 personnes alors qu'il y aurait, selon certains observateurs, entre 1'500 et 2'000 skinheads actifs en suisse) conclut, qu'il n'y a pas lieu de voir aujourd'hui dans l'extrémisme de droite en général "un grand péril pour la sûreté nationale". Certains développements actuels soulèvent "néanmoins des inquiétudes qui imposent une vigilance accrue"
Le point de vue d'un Juif français, solidaire du peuple palestinien :
VOUS AVEZ DIT ANTISÉMITISME ?
PAR MAURICE RAJSFUSLe grand mot est lâché : antisémitisme. Comme si la France entière était, de nouveau, saisie par les vieux démons. Les mots peuvent être meurtriers et il convient d'en mesurer la portée. Et surtout, ne pas oublier que ce sont surtout les Arabes et les Noirs qui sont l'objet du rejet et même de la haine d'une partie notable de la population de ce pays.Antisémitisme, c'est le rappel d'une longue traque, hideuse, qui conduisait au pire, il y a bientôt soixante ans, à Auschwitz. Alors ceux qui, aujourd'hui, évoquent le retour de ce cancer n'utilisent pas le mot antisémitisme au hasard. Jadis, on tentait de se protéger de cette lèpre en utilisant le langage de la raison, mais les vecteurs de cette attitude de haine étaient, bien définis : on était antisémite à droite et la réflexions s'arrêtait là.
Le mot et son utilisation ont varié. Par exemple, au travers du conflit israélo-palestinien, c'est une arme brandie contre tous ceux qui s'opposent au sionisme, idéologie active qui ne saurait souffrir la moindre critique. C'est ainsi que le nombre des « antisémites » potentiels n'a cessé de croître depuis la guerre de juin 1967 et l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Peut-être désormais qualifié d'antisémite quiconque dénonce le terrorisme officiel mené par l'Etat d'Israël.
Il est quand même nécessaire de garder son calme, et ne pas lancer des anathèmes, même lorsque - malheureusement des synagogues sont détruites dans les banlieues parisienne. En écoutant les mauvais augures, on pourrait croire que la guerre contre les Juifs est de nouveau à l'ordre du jour. Que la moitié de l'humanité veut détruire les Juifs, tandis que l'autre moitié se voile la face pour ne pas voir. Non. Des voix nombreuses se lèvent pour dénoncer Israël et son comportement colonialiste. C'est très différent. Que des Français d'origine arabe vivent mal cette situation n'a rien que de très naturel, mais il est de notre devoir d'expliquer inlassablement que les Juifs ne sont pas nécessaire sionistes et qu'il est plus que stupide de s'attaquer aux lieux de culte de ceux qui croient en une divinité différente. Reste également à vérifier si les intégristes islamistes qui s'attaquent aux synagogues ne sont pas relayés par des groupes d'extrême droite, bien français ceux-là.
Nous savons, de longue expérience, que la situation de parias qui est celle des Palestiniens, depuis 1948, pour les réfugiés de la région qui s'appelle aujourd'hui Israël, n'a jamais ému les humanistes qui pleurent aujourd'hui. Nous connaissons les conditions inhumaines faites aux Palestiniens des territoires occupés depuis le mois de juin 1967. Et puis, comment ignorer que, de tous temps, les Palestiniens ont été considérés comme des sous-hommes dans leur propre pays occupé par les héritiers des rescapés du génocide ? A la limite, pour les Israéliens, les Palestiniens n'existaient même pas, jusqu'à l'Intifada de 1987.
Mais pourquoi parler de la Palestine occupée alors que la menace d'un nouvel antisémitisme se ferait jour en France ? Une telle interrogation feint d'ignorer les liens existant entre les institutions juives de France (CRIF et Consistoire, essentiellement) qui ne représentent guère plus de 25% de ceux des citoyens de ce pays qui revendiquent leur judaïsme et se considèrent peut-être comme des Israéliens de l'arrière.
Depuis décembre 1987 et la révolte des pierres, conduites par les jeunes palestiniens, la société israélienne a pris conscience de l'existence bien réelle d'une population spoliée et opprimée. La répression, avec des centaines de morts, d'innombrables blessés et des milliers de militants emprisonnés dans les pires conditions, exprime la haine d'une société prédatrice envers un peuple, colonisé dans un premier temps et surtout invité à quitter les lieux. Cette guerre faite aux Palestiniens - qui ont osé refuser l'oppression - a tourné, depuis bien longtemps, à des comportements de haine pure et au racisme anti-arabe.
En France, les institutions juives, toujours à l'écoute des événements du Proche Orient, se sont toujours déclarée solidaires de la politique des gouvernement successifs - que la droite ou la « gauche » israélienne soit au pouvoir. Dès lors, la haine des Arabes franchissait la Méditerranée une seconde fois (c'était déjà le cas après 1962, lors de l'arrivée en France des pieds noirs) transformant bien des Juifs communautaires en racistes avérés. L'histoire du génocide des Juifs d'Europe étant convoquée pour mieux illustrer ce rejet. On ne peut oublier, en effet, que lors de la visite de Yasser Arafat à Paris, les 1er et 2 mai 1989, les institutions juives de France clamaient : « Comment la France a-t-elle pu inviter le chef des terroristes palestiniens alors même que nous commémorons la mémoire des déportés juifs ? »
Incroyable. A ce stade, la volonté était de faire porter aux Palestiniens une partie de la responsabilité du génocide des Juifs conduit par les nazis, de 1940 à 1945. Encore plus incroyable, ce type de discours ne manquait pas de faire mouche, d'autant plus qu'une fraction importante des Français sont maladivement racistes face aux Arabes, car la guerre d'Algérie a laissé des traces durables et hideuses au pays des droits de l'homme. Et puis, comment ne pas être solidaires de ces Israéliens qui cassent du « Bougnoule » dans les territoires occupés ? (Ces bons Français sont les dignes héritiers de ceux qui ne sont tus lorsque, de 1941 à 1944, la police de Vichy traquait les Juifs, immigrés de préférence !)
Ces réflexions ne nous éloignent pas du débat actuel. Bien au contraire, elles nous y ramènent. Depuis le 28 septembre 2000, un nouveau conflit a éclaté. Lassés de voir s'enliser les résultats des accords d'Oslo (1993) puis de Washington, les Palestiniens se sont de nouveau révoltés, après la promenade provocation du boucher Ariel Sharon, sur l'esplanade des mosquées, à Jérusalem. Malgré les rencontres au sommet, et les promesses, sur le papier, d'une autonomie élargie, les Israéliens ont poursuivi leur politique de colonisation de la Cisjordanie. Oubliées et enterrées les résolutions de l'ONU de 1967, exigeant d'Israël l'évacuation des territoires occupés. Oubliés le sort des réfugiés de 1948 et de 1967, ces familles qui vivent dans des camps depuis trois générations. Il est donc possible de comprendre les moteurs de cette nouvelle révolte. Simple différence : en décembre 1987, c'étaient les pierres contre les mitrailles, alors qu'en octobre 2000 ce sont les mitraillettes et les pierres contre les chars et les hélicoptères de combat.
Face à cette nouvelle répression de masse, plus de cent morts et trois mille blessés en moins de quinze jours, les institutions juives de France n'ont pas manqué de prendre rapidement position. Le 3 octobre, Jean Kahn, président du Consistoire central israélite n'hésitait pas, appelant à « l'identification avec Israël, sinon nous nous rendons responsables d'un manquement pouvant mener à la fin de l'existence d'Israël ». Il n'y a pas la moindre équivoque dans cette déclaration, qui signifie sans détour que les Arabes palestiniens ont pour projet de détruire Israël et de massacre les Juifs - bien qu'ils affirment le contraire depuis 1989. Ce propos de Jean Kahn ne pouvait qu'appeler à la haine réciproque. Il est bien connu que la haine appelle la haine et l'on a entendu, lors de la manifestation parisienne du 7 octobre des cris tels que « mort aux Juifs » dans un cortège séparé conduit par des islamistes intégristes. Le soir même, des casseurs, dont on peut estimer qu'ils étaient proches des voyous du Bétar (organisation extrémiste juive), brisaient les vitres du siège du MRAP, à Paris, organisations antiraciste où se côtoient, parmi d'autres, des Juifs et des Arabes.
Les mots ne sont jamais innocents. C'est d'autant plus évident dans l'affrontement actuel, qui dépasse le conflit israélo/palestinien alors que nous assistons à une tragique montée de l'intégrisme aussi bien au sein du monde musulman que dans le judaïsme. Des actions dommageables pour tous suivent les prises de position irrédentistes. Ainsi, en proclamant leur attachement à Israël, les institutions juives de France se sont désignées comme des alliés objectifs de la police française qui pourchasse les jeunes des banlieues. C'est sans doute un raisonnement simpliste, mais comment parler de cohérence avec une génération d'enfants d'immigrés à qui la société française ne cesse d'indiquer la porte de sortie.
Bien sûr, il faut calmer le jeu, et avant tout combattre ce racisme, d'où qu'il vienne. En quelques jours, les dégâts se sont avérés gravissimes car la haine crée des fossés rapidement infranchissables. Ceux qui participent à la logique du rejet de l'autre ne doivent pas s'étonner des dérives qui peuvent s'en suivre...
Copyright © Maurice Rajsfus
Publié dans le mensuel No Pasaran !
Novembre 2000.
Le scandale du lycée Montaigne Pendant deux mois, un élève juif de 11 ans a été harcelé par deux condisciples musulmans Deux mois ! Il a fallu presque deux mois à la direction d’un lycée parisien pour réagir aux violences infligées à un gamin de sixième par deux de ses camarades. Cela s’est passé à Montaigne, un vénérable établissement longeant le jardin du Luxembourg, dans un quartier très chic. L’information a été entendue par l’administration, puis si piteusement gérée que l’affaire se solde par un scandale qui éclabousse toute l’institution. Les faits remontent à la rentrée. Deux élèves de sixième prennent Simon(1) comme souffre-douleur. Il est juif, ils sont d’origine maghrébine. L’un d’eux a redoublé, c’est un costaud, et Simon, à 11 ans, ne pèse que 30 kilos. Tous trois se connaissent depuis l’école primaire. L’enfant se fait chahuter mais les profs ne remarquent rien. Coups. Ecchymoses. Un jour, le père de Simon doit venir chercher son fils au collège parce qu’il ne peut plus marcher. Une autre fois, «on» l’a poussé dans une flaque, et il rentre trempé. «On lui a marché sur les doigts.» L’enfant n’en dit pas davantage. Et le père n’imagine pas les brimades systématiques. Mais, soucieux, il conduit Simon trois fois aux urgences médicales après des incidents. Un des certificats médicaux fait état d’une petite «déchirure musculaire». De son côté, le pédiatre adresse l’enfant à un psychiatre, qui lui donne un traitement. Car, dès septembre, Simon souffre de dépression. Ce petit garçon «timide, plutôt introverti, extrêmement sensible», selon son père, ne dort plus. Il pleure le soir. Il a perdu l’appétit. Le 11 octobre, c’est un samedi, Simon rencontre son ancienne institutrice, par hasard, avec son père. C’est à elle qu’il avoue: «Deux élèves n’arrêtent pas de me frapper. L’un d’eux m’a traité de sale juif, et ils m’ont dit que tous les juifs avaient été exterminés.» Le père est atterré. L’horreur des camps, où toute la famille de sa femme a péri, resurgit. Il se rend au collège, voit le conseiller principal d’éducation, qui promet des sanctions. Dès le lundi, Simon change de classe. Puis rien ne se passe. Les professeurs qui accueillent Simon ne sont même pas alertés par le proviseur de la gravité des faits. Jean-Marie Renault, le proviseur, ne rencontre les parents de Simon que dix jours plus tard. Il est, dit-il, à la recherche de «preuves». «Mais que lui fallait-il comme preuves? Les coups étaient avérés», s’insurge le père. A la récréation, les deux coupables, qui n’ont toujours pas été punis, ridiculisent Simon. Retour des vacances. On est le 3 novembre et rien n’a bougé. Le père de Simon a déjà alerté le numéro vert du Crif, le Conseil représentatif des Institutions juives de France, et s’est rendu au rectorat. Mais l’absence de réaction fait souffler un vent empoisonné sur la FCPE, une des fédérations de parents d’élèves. Certains dénoncent «l’institution qui protège ce genre de violence», « l’antisémitisme rampant», «la haine qui passe à l’acte». «Pourquoi dois-je supplier pour que le règlement s’applique ?», dit le père de l’enfant juif. «Suis-je un citoyen de seconde zone ?» Les rumeurs les plus folles courent sur des pressions que le père d’un des agresseurs, en tant qu’imam, aurait exercées sur le proviseur. En fait, il est professeur de musique. Tout est allé trop loin pour pouvoir régler l’affaire en interne. Le 21 novembre, Jean-Marie Renault passe la main et saisit le parquet, «au motif que des actes de violence auraient pu être tenus dans l’établissement accompagnés de propos racistes», explique-t-il, très pâle, et visiblement fatigué. S’en veut-il d’avoir tardé à réagir ? «A l’époque, les faits paraissaient plus anodins», ajoute-t-il. Et puis le rectorat recommande «la plus grande prudence» étant donné «la jeunesse des protagonistes», et «la malheureuse pratique des insultes à caractère raciste, religieux ou sexuel dans les cours de récréation»… Il a fallu que la presse entre dans la danse pour que le 3 décembre, en présence de leurs parents, les agresseurs avouent dans le bureau du proviseur et que, le samedi suivant, ce dernier annonce leur passage en conseil de discipline. Retour à la case sanction, avec deux mois de retard. (1) Le prénom de l’enfant a été changé. Caroline
Brizard
Le Nouvel Observateur Semaine du jeudi 11 décembre 2003 - n°2040 |
Peut-on, selon vous, vraiment parler d'une recrudescence de l'antisémitisme en France ? S'agit-il d'un mouvement organisé ou d'attaques isolées ? - Il n'y a pas
d'antisémitisme organisé en France. Les pouvoirs
publics
combattent activement ces agressions et il n'y a pas
d'antisémitisme ancré et structuré
comme
c'était le cas dans les années 30, avec des
racines
idéologiques. Cet antisémitisme est le fait d'une
frange
des Maghrébins en France en mal d'identité.
Autrefois,
ces petits jeunes auraient mis le feu à un commissariat,
aujourd'hui ils le mettent à l'école juive ou
à la
synagogue. Je rentre d'ailleurs du FSE [Forum social
européen,
ndlr], où
j'ai été prise de panique, quand on parlait des Juifs, on sentait une vraie hostilité venant de certains jeunes. Aujourd'hui pour endiguer ce phénomène, il faut trouver des remèdes et pour cela créer des passerelles entre les différentes communautés. A contrario, la multiplication des écoles communautaristes ne me dit rien de bon. On va dans le sens d'une plus grande méconnaissance de l'autre et d'une radicalisation.
- Le conflit est
importé
des deux côtés, du côté
musulman mais aussi
du côté juif. La deuxième Intifada
coïncide
avec un déficit d'identité de cette jeunesse,
pour qui
les jeunes qui jettent des pierres ou les kamikazes sont devenus des
héros, qui se battent pour sauver l'honneur des jeunes
Palestiniens humiliés. Et certains jeunes
Maghrébins,
à qui leurs parents n'ont pas transmis la culture musulmane
et
qui ne se sentent pas intégrés dans la
société française, s'identifient
à ce
combat des "opprimés", et
s'affirment comme les frères des Palestiniens. On assiste à un phénomène similaire du côté juif, qui traverse aussi actuellement une crise identitaire, qui commence à perdre ses repères identitaires par rapports aux parents. On peut vraiment parler de nationalisme diasporique, qui n'est relié à aucun Etat.
-
Peut-être que cela vient
du fait que les Juifs sont mieux intégrés au sein
de la
société française, et sont
présents dans
toutes les professions. Ils sont également mieux
organisés. Par conséquent, lorsqu'ils sont
attaqués ou victimes d'antisémitisme, ils vont
plus
facilement le faire savoir, porter plainte, alors que d'autres ne vont
pas oser, car ils se sentent des sous-citoyens. Donc on va davantage en
parler dans les médias. Enfin, la France est
marquée par
la Shoah et l'idée qu'il ne faut surtout pas oublier et donc
lutter contre l'antisémitisme. La
société va donc
s'offusquer davantage de l'antisémitisme que de
l'arabophobie.
Je crois en revanche qu'il existe encore un vrai
antisémitisme
en France, qui n'est plus le fait d'une élite qui a fait son
mea
culpa. Il s'agit d'un antisémitisme "populaire", encore
véhiculé par des idées
reçues, des
clichés comme Juif=argent=réussite occulte, etc.
Et cet
antisémitisme peut potentiellement devenir dangereux.
Propos recueillis
par Alexandra
Guyard (le lundi 17 novembre)
Le Nouvel Observateur, 17 novembre 2003 |
Nord : inscriptions nazies sur une mosquéeUne
mosquée de
Dunkerque a été dégradée
mardi soir: les
vandales ont incendié la porte et inscrit des croix
gammées sur les murs du lieu de culte.
Deux croix gammées ont été inscrites sur les murs extérieurs d'une mosquée de Dunkerque (Nord), dont la porte a été "volontairement" incendiée dans la soirée de mardi, a-t-on appris mercredi de source policière. La salle de prière était vide au moment du sinistre, qui a été rapidement éteint, vers 21h30, avant même l'arrivée des secours, ont précisé les pompiers. La porte du lieu de culte a été incendiée "volontairement", par une "projection de produit inflammable", a-t-on indiqué au commissariat de Dunkerque. Selon la même source, les deux croix gammées ont été dessinées à l'envers. Une enquête a été ouverte et la police cherchait notamment mercredi à déterminer la nature du produit projeté sur la porte. Il ne s'agit vraisemblablement pas d'un jet de cocktail molotov, aucun bris de verre n'ayant été trouvé à proximité, a-t-on précisé. L'association comorienne "Croissant de l'islam", qui gère la mosquée, a annoncé qu'elle allait "déposer plainte contre X" et le président du CRCM a appelé les fidèles "à être vigilants" et à ne "pas céder au climat de peur que quelques individus essaient d'installer". « Les relations d'amitié que l'on partage avec les autres communautés, juive et chrétienne, ne doivent pas pâtir de ces violences. Il faut que les lieux de culte, quelle que soit leur confession, soient mieux protégés, ou du moins surveillés, par les forces publiques ». "Tentative d'intimidation"Ouverte en 1983 à quelques rues de la mairie, la mosquée Omar Al Farouk accueille entre 150 et 200 personnes, essentiellement des Comoriens, des Algériens, des Marocains et quelques Sénégalais, pour la prière du vendredi.« En 20 ans d'existence, on n'a jamais eu de problème. Je suis déçu, c'était la soirée de fête de fin du ramadan, une fête de paix. Nous ne savons pas du tout aujourd'hui qui peut être à l'origine de cette violence », a commenté Saïd Toihiri, vice-président de l'association Croissant de l'islam. Le président du CRCM a demandé à la communauté musulmane du Nord-Pas-de-Calais de « ne pas voir ces actes de violences comme une division entre les communautés qui vivent ensemble et composent la société française », mais comme une "tentative d'intimidation" à laquelle "il ne faut pas céder". Le Nouvel
Observateur,
NOUVELOBS.COM, 26.11.03 |
Profanations antisémitesNov 27, 2003
Plusieurs
tombes d'un
cimetière juif de Marseille ont été
recouvertes,
dans la nuit de lundi à mardi, d'inscriptions
antisémites, de croix gammées et du sigle du
mouvement
d'extrême droite Ordre nouveau.
"Il y a des croix gammées, des croix de l'Ordre nouveau, des inscriptions SS, White Power, sur 7 à 9 tombes" du cimetière des Trois Lucs, a indiqué le président du Crif de Marseille, Clément Yana, précisant que les tombes n'avaient pas subi d'autres dégradations. Dans un communiqué transmis à l'AFP, le Crif de Marseille demande « à la force publique de faire tout son possible pour mettre hors d'état de nuire cette minorité raciste dont les agissements rappellent les heures sombres de l'histoire de France ». Le consistoire israélite de Marseille a porté plainte. (Dépêche
d'agence)
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Un monument aux soldats juifs de Verdun profané
Finalement, l'auteur présumé des profanations d'Herlisheim est arrêté :c'est un militant du Front National.
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XÉNOPHOBIE
Enquête administrative
ouverte Un professeur de Lorient suspendu pour injures racistes Cécilia Gabizon
C'est un professeur de physique suspecté de n'aimer que les Français de souche au nom lisse. Il y a dix jours, sa petite haine se serait abattue sur une élève juive de sa classe de seconde du lycée Dupuy-de-Lôme, à Lorient. Il l'insulte alors, la traite de sale Juive, racontent des témoins. Ce n'est pas la première fois qu'il vomit sa rancoeur contre ceux qu'il perçoit, semble-t-il, comme des envahisseurs. Mais, cette fois, la famille de l'adolescente prise pour cible décide de réagir. Elle avertit le proviseur et porte plainte. Depuis, le chef d'établissement a ouvert une enquête administrative et les langues commencent à se délier, accusant l'enseignant de délires xénophobes et racistes.
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