La tragédie de la collaboration de juifs avec le fascisme
Sommaire : Pétain crée l'UGIF / Des notables juifs nommés par Pétain / L'UGIF et les enfants / La presse de la résistance juive dénonce l'UGIF / La fin tragique d'un collaborateur : circonstances de la déportation d'André Baur / Le convoi n°63 / Nota Bene
Nous Maréchal de France, Chef de l'Etat français le Conseil des ministres entendu décrétons :
Article premier. - Il est institué auprès du Commissariat aux Questions juives une Union générale des Israélites de France. Cette Union a pour objet d'assurer la représentation des Juifs auprès des Pouvoirs publics notamment pour les questions d'assistance, de prévoyance et de reclassement social. Elle remplit les tâches qui lui sont confiées dans ce domaine par le gouvernement. L'Union générale des Israélites de France est un établissement public autonome doté de la personnalité civile. Elle est représentée en justice comme dans les actes de la vie civile par son président, qui peut déléguer à tel mandataire de son choix tout ou partie de ses pouvoirs.
Article 2. - Tous les Juifs domiciliés ou résidant en France sont obligatoirement affiliés à l'Union générale des Israélites de France. Toutes les associations juives sont dissoutes à l'exception des associations cultuelles israélites légalement constituées. Les biens des associations juives dissoutes sont dévolus à l'Union générale des Israélites de France. Les conditions de transfert de ces biens seront fixées par décret rendu sur le rapport du secrétaire d'Etat à l'Intérieur.
Article 3. - Les ressources de l'Union générale des Israélites de France sont constituées : 11, Par les sommes que le Commissariat général aux Questions juives prélève au profit de l'Union sur les fonds de solidarité juive institué par l'article 22 de la loi du 22 juillet 1941. 20 Par les ressources provenant des biens des associations juives dissoutes. 3' Par des cotisations versées par les Juifs et dont le montant est fixé par un Conseil d'administration de l'Union d'après la situation de fortune des assujettis et selon un barème approuvé par le Commissaire général aux Questions juives.
Article 4. - L'Union générale des Israélites de France est administrée par un Conseil d'administration de dix-huit membres choisis parmi les Juifs de nationalité française, domiciliés ou résidant en France et désignés par le Commissaire général aux Questions juives.
Article 5. - Le Conseil d'administration est placé sous le contrôle du Commissaire général aux Questions juives. Les membres répondent devant lui de leur gestion. Les délibérations du Conseil d'administration peuvent être annulées par arrêté du Commissaire
général aux Questions juives.
Article 6. - Les cotisations fixées par le Conseil d'administration de l'Union générale des Israélites de France sont recouvrées par états exécutoires comme il est prévu par l'article 2 du décret du 30 octobre 1935.
Article 7. - Tant que subsisteront les difficultés de communication résultant de l'occupation, le Conseil d'administration pourra être divisé, le cas échéant, en deux sections dont le siège sera fixé par le Commissaire général aux questions juives. Chaque section comprendra neuf membres et sera présidée l'une par le président et l'autre par le vice-président.
Article 8. - Le présent décret sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l'Etat.
Fait à Vichy, le 29 novembre 1941
Ph. PÉTAIN
Par le maréchal de France, chef de l'Etat français.
L'amiral de la flotte, ministre Le garde des Sceaux, ministre
vice-président du Conseil secrétaire d'Etat à la justice
AI. DARLAN Joseph BARTHÉLEMY
Le ministre, secrétaire d'Etat à Le ministre secrétaire d'Etat à
l'intérieur l'économie nationale et aux
Pierre
PUCHEU finances Yves
BOUTHILLIER
Nous constituons à l'Union générale des Israélites de France, un fichier central de tous les enfants juifs dont les parents ont été arrêtés ces jours-ci. Si ces enfants ont été recueillis par un organisme privé ou par des familles particulières et que vous en ayez connaissance, nous vous prions de bien vouloir les signaler immédiatement car il est déjà porté à notre connaissance que quelques enfants se sont trouvés égarés. Tout le service social fonctionne en permanence continuelle et, à cet effet, nous vous prions de bien vouloir établir avec nos services une liaison régulière... "
Numéro du 15 février 1943.
REDOUBLONS D'EFFORTS POUR LES PETITS ENFANTS JUIFS TRAQUÉS
" ... Chaque jour nous apporte de nouvelles preuves de sympathie et de solidarité envers les petits malheureux que l'action des femmes parisiennes a sauvés de la déportation et de la mort. Outre les sommes importantes collectées à Nice, ces jours derniers, 25 familles françaises s'offrent à prendre chacune un enfant juif. Marseille, Nice, Grenoble suivent leur exemple. Voilà les beaux exemples de solidarité française et voilà la honte de l'Union générale des Israélites de France qui a livré 100 enfants aux agents de la Gestapo pour les assassiner. Leur crime sera impitoyablement châtié. Redoublons d'effort pour les petits enfants juifs traqués. Collectons l'argent et les vêtements pour eux. Trouvons-leur des marraines qui remplaceront la maman perdue. Faisons tout pour que le sourire reparaisse sur leur visage attristé... "
Numéro du ler juin 1943.
L'UGIF, FILIALE DE LA GESTAPO
" A Lyon, un Juif a demandé un secours à l'UGIF or on a exigé qu'il présente sa carte d'identité. Comme elle ne portait pas le tampon " juif ", l'UGIF refusa le secours. A Marseille, la Gestapo a exigé de l'UGIF la liste des Juifs assistés. Cette organisation a répondu qu'il n'y avait pas de liste mais que les personnes qu'elle aide allaient se présenter tel jour. Et quand les malheureux arrivèrent, la Gestapo était là pour les déporter. Nous avions déjà mis en garde contre les traîtres de l'UGIF quand ils avaient, à Paris, livré des enfants aux Boches. Les faits rapportés plus haut indiquent à tous les Juifs qu'ils doivent considérer l'UGIF comme une filiale de la Gestapo. Les traîtres seront démasqués. Leur châtiment se prépare. "
Numéro du 20 juin 1943.
PAS UN SOU POUR LES TRAITRES DE L'UGIF!
" L'entreprise de mouchardage et de spoliation créée par la Gestapo a besoin d'argent et, comble d'audace, elle impose une contribution à ses victimes dont les contributions volontaires sont insuffisantes et pour cause. L'UGIF ne se contente plus de la part que les Boches lui versent sur les spoliations qu'ils réalisent. Il lui faut davantage. Et cela soi-disant pour secourir les Juifs déshérités. D'abord, les Juifs n'auraient pas besoin de ces prétendus secours si on ne leur avait pas volé leurs biens et si on les laissait travailler librement. Et d'autre part, chacun sait comment l'UGIF secourt les malheureux. Comme à Paris où elle livre à la Gestapo, pour être déportés, les enfants qui lui avaient été confiés ; à Marseille, où les Juifs qui se présentent pour toucher un secours sont aussitôt embarqués par la Gestapo prévenue par cette organisation de traîtres ; à Lyon, où l'UGIF exige que la carte d'identité porte la mention " juif ". La solidarité, les Juifs la pratiquent mais entre eux, à l'exclusion des traîtres qui veulent une fois de plus mériter le salaire que leur alloue leurs maîtres de Vichy et de Berlin en organisant un nouveau recensement des Juifs. Car c'est à cela que tend également la nouvelle contribution. En dehors des sommes qu'elle rapporterait elle permettrait aussi de connaître les nouvelles résidences et de mieux livrer les Juifs à leurs bourreaux.
J'ai l'honneur de vous exposer ce qui suit Les Autorités allemandes ont prononcé mon internement du fait que mon cousin, M. Ducas Adolphe, demeurant auparavant à Marseille et qui était interné au camp de Drancy s'est évadé de ce camp le 21 juillet dernier. Lesdites Autorités m'ont fait savoir que mon internement serait prolongé aussi longtemps que M. Ducas ne se serait pas présenté. Elles m'informent que M. Ducas serait actuellement en Suisse et elles m'autorisent à faire toute démarche nécessaire en vue de son extradition et à sa remise éventuelle entre les mains de la police allemande. Je vous prie donc, Monsieur le ministre, de bien vouloir, pour me permettre de reprendre en toute liberté mes fonctions à la tête de l'établissement public que je préside, demander aux autorités helvétiques l'extradition de M. Adolphe Ducas. En vous remerciant de votre bienveillante compréhension pour la teneur de cette lettre, je vous prie d'agréer, Monsieur le ministre, l'assurance de ma haute considération.
André BAUR, matricule 3400. Camp de Drancy. "
Voir aussi : A propos de la collaboration de Juifs à la Shoah, le point de vue d'Hannah Arendt
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |